• Grippe aviaire : Bangkok sous la menace

    Un petit garçon de dix-huit mois est devenu le 5 novembre la première victime de la grippe
    aviaire dans la capitale thaïlandaise. Il a probablement été
    infecté par l'un des trois poulets élevés à
    son domicile et retrouvés morts quelques jours avant que ne se
    déclare la maladie. Le district de Klong Sam Wa, proche du zoo
    Safari World, a été mis sous surveillance. La présence,
    dans Bangkok, de centaines, voire de milliers d'élevage de
    volailles familiaux ou tout simplement clandestins rend difficile
    toute campagne d'éradication, d'autant que les autorités
    se livrent à un combat de coqs pour savoir qui a la charge de
    lutter contre l'épidémie. Le mois de novembre a en
    effet vu une sérieuse prise de becs entre le gouverneur Apirak
    Kosayodhin, élu de l'opposition démocrate, et la
    ministre de l'Agriculture, Sudarat Keyuraphan, toute dévouée
    au Premier ministre Thaksin. Cette dernière a accusé la
    municipalité de ne pas transmettre au gouvernement les
    rapports sur les cas de mortalité aviaire.

    Une vingtaine de « zones à
    risque » restent sous haute surveillance dans le pays,
    alors que le gouvernement vient d'annoncer un plan d'éradication
    de la grippe aviaire sur trois ans. La plupart des observateurs,
    notant l'absence de mesures sérieuses dans trois pays voisins
    (Cambodge, Laos et surtout Birmanie), doutent cependant de
    l'efficacité de toute mesure strictement nationale.

    Pendant ce temps-là, sur le
    front de la recherche, un laboratoire de Hanoi vient d'identifier des
    modifications de la structure du virus H5N1 qui pourraient favoriser
    une transmission entre mammifères. Le cauchemard a-t-il déjà
    commencé ?

    Nouvelle escalade dans le Sud


    Ce pourrait être juste un chiffre
    de plus dans les terribles statistiques du conflit qui fait rage
    depuis bientôt deux ans dans les trois provinces du Sud du
    royaume. Mais c'est surtout le symbole d'un durcissement de la
    situation. Une famille de neuf personnes a été
    assassinées à l'arme automatique, le 16 novembre, dans
    un village de la province de Narathiwat. Pour la première fois
    depuis janvier 2004, les rebelles indépendantistes musulmans
    ont opéré une action de représailles
    collectives. Le chef de la famille en question, ancien rebelle, avait
    semble-t-il choisi de retourner sa veste et de se ranger du côté
    des autorités thaïlandaises. Ce multiple assassinat ciblé
    n'a épargné ni la femme ni les sept enfants du
    défecteur, âgés de huit mois à vingt ans.
    C'est un avertissement brutal aux musulmans de la région qui
    seraient tentés de trouver un compromis dans un conflit qui a
    déjà fait mille morts. C'est aussi une fin de
    non-recevoir envoyée à un gouvernement qui n'a su
    conquérir ni les coeurs ni les âmes de ses citoyens en
    danger.





    1 commentaire



  • Entretien avec
    Robert Ménard, secrétaire général de
    Reporters Sans Frontières.

    «Thaksin contrôle la quasi-totalité des médias
    audiovisuels »


    Robert Ménard, secrétaire de l'organisation de défense
    de la liberté de la presse Reporters Sans Frontières,
    était de passage en Thaïlande en octobre. Il s'inquiète,
    de l'aggravation des menaces qui pèsent sur les médias
    thaïlandais.



    Quel était le but de votre visite en Thaïlande?

    Robert
    Ménard : Il s'agissait tout d'abord de faire le point sur la
    liberté de la presse dans ce pays, car les nouvelles qui nous
    parviennent depuis quelques mois sont de nature à nous
    inquiéter. Ce pays était depuis plusieurs années
    à la pointe du combat pour les libertés civiles dans la
    région, on l'avait vu notamment avec l'adoption en 1997 d'une
    constitution parmi les plus démocratiques d'Asie.
    Malheureusement, cette tendance s'est inversée avec l'arrivée
    de Thaksin Shinawatra au pouvoir. On a alors constaté, dans le
    domaine qui nous intéresse, de fréquentes attaques
    verbales contre la presse et ceux qui osaient exprimer des critiques
    envers la politique du gouvernement. Thaksin contrôle, à
    titre d'investisseur dans la chaîne privée ITV [par
    l'intermédiaire de son groupe Shin. Corp, Ndlr] et comme
    premier ministre pour les chaînes publiques, la quasi-totalité
    des médias audiovisuels. Cela est une entorse sérieuse
    au pluralisme, d'autant que l'on a vu les radios communautaires,
    seules à pouvoir émettre des avis différents,
    subir de nombreuses attaques, certaines se voyant même
    interdire des fréquences. Et je ne parle même pas des
    procès en diffamation qui se multiplient de la part de Thaksin
    ou de ses alliés envers les médias, souvent avec des
    demandes de réparation de plusieurs dizaines, voire centaines
    de millions de bahts. Quant aux tentatives de prises de contrôle
    de journaux par des proches du Premier ministre, qu'elles visent le
    Bangkok Post, The Nation ou Matichon, il faut s'interroger sur les
    véritables motifs de ces actes même s'ils n'ont rien de
    répréhensif sur le plan légal.




    Vous
    avez assisté au procès de Supinya Klangnarong ?


    Non,
    malheureusement, il n'y avait pas d'audience au moment de mon
    passage. Mais RSF a délégué un observateur
    auprès d'elle pendant les mois de septembre et d'octobre, qui
    nous a informés au jour le jour du déroulement du
    procès. Je dois dire que le procès nous est apparu
    équitable et il faut a priori faire confiance au tribunal pour
    émettre un jugement honnête au mois de décembre.
    Rappelons que Supinya, qui défend avec opiniâtreté
    la liberté des médias dans ce pays, risque la prison et
    50 millions de bahts d'amende pour avoir affirmé dans la
    presse que le groupe Shin Corp s'était enrichi grâce à
    la politique économique du gouvernement. Supinya est une jeune
    femme très courageuse qui a le soutien de RSF et de l'ensemble
    des organisations de défense de la liberté de la presse
    au niveau mondial. Le verdict des juges marquera de façon
    profonde le regard que nous porterons à l'avenir sur la
    Thaïlande.


    Dans
    la région, la situation est-elle également
    préoccupante?


    Oui.
    Il faut le reconnaître, malgré tous les problèmes
    que je viens d'évoquer, la Thaïlande reste l'un des pays
    où les journalistes peuvent encore faire leur travail de façon
    relativement sereine quand ils ne touchent pas directement aux
    intérêts de Thaksin et de ses proches. En Birmanie, au
    Laos, au Vietnam, la presse n'est ni libre ni indépendante.
    Les journalistes finissent facilement en prison, certains sont même
    torturés comme en Birmanie. Les autorités refusent
    systématiquement les visas à Reporters Sans Frontières
    et bien d'autres journalistes étrangers. C'est une véritable
    honte. RSF se mobilise par exemple depuis des années pour
    obtenir la libération de Win Tin [que parraine Gavroche,
    Ndlr], un journaliste, écrivain et proche conseiller d'Aung
    San Suu Kyi. Il a 75 ans et croupit à Insein, la prison de
    Rangoun, depuis plus de 16 ans bien qu'il soit aujourd'hui malade.
    Les chefs de la junte lui ont proposé plusieurs fois de sortir
    de prison en échange de l'engagement à ne plus faire de
    politique. Il a toujours refusé. C'est de son courage que nous
    tirons la force de notre engagement. Pour accentuer la pression sur
    le gouvernement birman, nous venons d'ailleurs de réaliser un
    reportage à la frontière birmane avec Patrick Poivre
    d'Arvor, le présentateur-vedette de TF1, qui devrait être
    diffusé le 17 novembre.


    Propos
    recueillis par François Tourane





    1 commentaire



    Suivre le flux RSS des articles
    Suivre le flux RSS des commentaires