• « La Fête » est de retour ! De la musique de
    chambre à la gastronomie en passant par la
    mode et le cinéma, le grand rendez-vous de la
    culture française en Thaïlande rassemblera
    des artistes de tous les horizons pour la deuxième
    année consécutive. Cette manifestation
    tentaculaire à l'image de la ville qui l'accueille,
    aura lieu du 6 au 24 juin sur de multiples
    sites.
    Exit la pauvre grappe de raisin qui illustra l'affiche de la
    version 2004 de «La fête» ! La deuxième session de ce
    grand rassemblement culturel dédié à la culturelle
    française sera placée sous le signe du sourire et d'un patchwork
    de visages d'artistes jeunes et dynamiques. Jouant sur
    toute la palette des arts de l'Hexagone, le programme 2005
    privilégie les collaborations franco-thaïlandaises et promet
    quelques surprises. On tentera avant tout de se procurer une
    place pour le one man show du comédien Kuck, les 10 et 19
    juin, qui promet de nous offrir un bon retour à la case réalité
    avec un portrait doux-amer de la France et des Français vus
    par un Thaïlandais qui connaît bien l'esprit «farang-set». Les
    arts scéniques seront d'ailleurs au coeur de «La fête», avec
    une série de mini-festivals : musique électronique, musique
    de chambre, Circasia (productions françaises et thaïlandaises
    de nouveau cirque mêlant danse, acrobatie et vidéo, etc.).
    Bien sûr, outre la Fête de la musique le 18 juin, et la présence
    de jeunes maîtres de la scène électronique au Bed Supper
    Club et au V 9 du 9 au 12 juin, le reste des manifestations
    tient davantage du festivalier que du festif. C'est le défaut
    attendu de ce genre d'événement institutionnel.
    L'ouverture et la clôture
    seront même placées sous le signe du
    grand classique. Le 6 juin, la soirée
    d'ouverture, au Théâtre national, débutera
    par une réception - sur invitation -
    organisée sur l'esplanade, suivie d'un
    concert de musique de chambre donné
    par les musiciens du Bangkok
    Symphony Orchestra. Ils joueront des
    oeuvres du répertoire français : Poulenc,
    Chopin (qui était aussi un tout petit peu
    Polonais, ne l'oublions pas!), Debussy,
    Ravel et Ibert. Des éléments du programme
    2005 seront aussi proposés en
    avant-première au public trié sur le
    volet ce soir-là.
    Pour la clôture, les 23 et 24 juin, le
    spectacle Tricodex, concocté par le
    célèbre chorégraphe Philippe Decouflé,
    sera interprété par le Ballet Opéra de
    Lyon. Ce ballet multimédia de 90 minutes
    est considéré comme une des créations
    contemporaines les plus innovantes
    et devrait réjouir les amateurs
    de spectacles vivants.
    Mais enfin, les spectateurs thaïlandais,
    qui restent la principale cible de « La
    fête », devraient trouver dans la qualité des spectacles proposés
    une compensation à l'absence d'un côté «sanuk»! Et
    s'ils ne comprennent pas trop les intrigues des films français
    ou les nuances des artistes exposés dans une dizaine de
    galeries de Bangkok, ils pourront toujours se rattraper avec
    «la semaine du design», exposition de regards croisés sur le
    design français et le design thaïlandais, ou bien simplement se
    régaler les papilles avec les spécialités «La fête» proposées
    dans la majeure partie des restaurants français de Bangkok.
    La culture française, c'est comme la confiture : plus on en a,
    plus il faut de tartines pour l'étaler!

    1 commentaire


  • Plan d'action commercial francais en Thailande


    Le fort impact du PACT


    Un an et demi après le lancement d'un plan d'action commerciale bilateral, les relations économiques entre la France et la Thaïlande sont passées à l'échelon supérieur. De multiples actions et événements ont été mis en place et les enterprises des deux pays commencent à en récolter les fruits.

    En juin 2003, le classement de la Thaïlande comme pays prioritaire pour les investissements français n'avait pas soulevé un enthousiasme débordant. La Chine restait, dans l'esprit de nombreux entrepreneurs hexagonaux, le seul pays asiatique capable de leur rapporter des bénéfices à court et moyen termes. Le plan d'action commerciale Thaïlande, adopté dans la foulée en décembre 2003, a prouvé que les deux pays, par une politique volontariste, pouvaient changer leur perception. Preuve en est, selon la Mission économique (ME) française de Bangkok, “le PACT correspond à la période historique la plus faste pour les entreprises françaises en Thaïlande”. Ces dernières ont obtenu, en 2003 puis en 2004, des contrats d'un montant global, jusque-là jamais atteint (respectivement 5 et 2,2 milliards d'euros). “L'année 2005 devrait constituer une année record pour le montant des exportations françaises, avec les premières livraisons des contrats signés en 2003. Et cette performance des exportations françaises en 2005 devrait pouvoir se prolonger jusqu'en 2009, grâce aux ventes d'avions Airbus échelonnées jusqu'à cette date”, precise la Mission économique.

    Pub dans les regions françaises

    Mais les chiffres des exportations ne sont que la partie émergée de l'iceberg PACT. De nombreuses actions, en profondeur, ont permis une meilleure compréhension mutuelle et des relations accrues entre les enterprises des deux pays.
    La première “action” du PACT consistait à mieux informer les enterprises françaises sur les opportunités du marché thaïlandais. De nombreux événements ont été organisés dans ce sens, en particulier la tenue à Paris d'un séminaire « Thaïlande, moteur de l'ASE » le 17 mai. Par ailleurs, les agents de la ME ont visité un grand nombre de regions françaises pour y faire la publicité du marché thaïlandais.
    La seconde action, qui vise à améliorer les relations entre les entreprises des deux pays, s'est mise en place en partenariat avec l'agence Ubifrance. Celle-ci a mis sur pied un programme important de sessions et de colloques sur la Thaïlande. En 2004, deux sessions de travail, « Batimat » et « pêche », et un colloque sur les industries papetières ont eu lieu. Et cette année sera particulièrement riche avec Vivasia (produits vétérinaires), Intertraffic (traffic routier), Bonjour French Fair 2005 et un colloque sur les machines textiles.

    Ô mon bateau...

    La troisième partie du PACT s'attaque au renforcement des ventes françaises en Thaïlande. Outre les grands contrats, pour lesquels il est difficile de mesurer l'impact des mesures prises, on peut noter que les exportations de biens de consommation français sont en augmentation de 8% sur les 10 premiers mois de 2004. Certes, la croissance de l'économie thaïlandaise n'y est pas pour rien. Mais les actions de lobbying de la ME pour faire baisser les nombreuses barrières douanières portent leurs fruits. Par exemple, les taxes sur les bateaux sont devenues nulles en 2004. “La Thaïlande devrait devenir un débouché important pour certaines de nos entreprises, leaders mondiaux dans ce domaine, au cours des prochaines années et une mission de la Fédération des industries nautiques a eu lieu en décembre dernier à Bangkok et Phuket”, precise un rapport récent des services de l'ambassade de France.
    La mise en place de partenariats franco-thaïlandais pour des projets d'investissements dans la région du Grand Mékong, objet du quatrième volet du PACT, semble en être le parent pauvre. Malgré plusieurs seminaires organisés en France sur le sujet, on ne voit pas encore ce qui pourrait en sortir, hormis la réalisation d'une ligne de chemin de fer reliant la ville de Nong Khai à la capitale laotienne Vientiane.
    Enfin, en ce qui concerne le volet 5, qui vise à accroître la formation et la présence des jeunes professionnels des deux pays, les choses ont bien avancé. Malgré quelques obstacles liés à l'obtention de visas, le nombre de VIE (volontaires internationaux en enterprise) français en Thaïlande est en augmentation (23). Dans l'autre sens, plus de 200 jeunes thaïlandais ayant obtenu des bourses internationales de leur gouvernement ont choisi la France en 2004, s'ajoutant aux 450 attirés par les programmes de l'agence Edufrance. On notera aussi que la Thaïlande a choisi, en novembre, l'école de mode française IFM pour former ses étudiants stylistes dans le cadre du programme « Bangkok, Fashion City ».
    La Mission économique de Bangkok, depuis la mise en place du PACT, a vu son nombre de “clients” augmenter de 90% ! Les entrepreneurs, qui pour beaucoup passent leur temps à hurler contre le “trop d'Etat” et le “trop d'impôt”, feraient bien d'y réfléchir : les contribuables français leur donnent un sérieux coup de main.
    François Tourane

    Encadré
    PACT : la preuve par l'action
    Action n°1 : Mieux informer les entreprises françaises sur les opportunités du marché thaïlandais.
    Action n°2 : Augmenter les rencontres entre entreprises françaises et thaïlandaises et renforcer l'information sur l'offre française.
    Action n°3 : Rechercher une performance plus régulière et diversifiée des ventes françaises en Thaïlande.
    Action n°4 : Une action commerciale régionale : agir à partir de la Thaïlande dans la région du Grand Mékong et en Asie du Sud-est
    Action n°5 : Accroître la formation et la présence des jeunes professionnels des deux pays dans nos échanges commerciaux.

    4 commentaires

  • C'est un triste anniversaire. Le 17 avril 1975, les Khmers rouges s'emparaient de Phnom Penh et mettaient sur pied un des régimes les plus sanguinaires que la terre ait connus. En quatre ans, les disciples du frère Numéro Un, Pol Pot, allaient provoquer la disparition d'environ 1,7 millions de Cambodgiens, assassinés, morts de faim ou d'épuisement dans les « champs de la mort ».
    Trente ans plus tard, les victimes de
    « l'autogénocide » devraient enfin se voir rendre partiellement justice. Après des années de négociations, un tribunal international pourrait voir le jour d'ici la fin de l'année. L'ONU et les autorités de Phnom Penh sont tombées d'accord sur une formule originale, mêlant juges cambodgiens et étrangers. Et surtout, le 31 mars dernier, lors d'une conférence à New-York, les pays donateurs du petit royaume khmer ont promis un financement dont le total se rapproche du budget colossal du tribunal, soit 38 sur 56 millions de dollars. Le Japon, soutien indéfectible de la reconstruction cambodgienne depuis une quinzaine d'années, a mis à lui seul 21 millions sur la table. La France, avec, 4,8 millions, est le second contributeur. La Chine, qui soutint les Khmers rouges, et les Etats-Unis, ne mettront pas la main à la poche.
    Selon le gouvernement cambodgien, une dizaine de lieutenants de Pol Pot – décédé en 1998 – devraient figurer sur le banc des accusés.


    1 commentaire

  • Thaïlande :

    western islamiste

    Ce dimanche 27

    mars, à l'aube, le film est conforme au scénario. Deux
    bombes explosent sur une voie ferrée qui traverse un coin de
    campagne dans le Sud musulman thaïlandais. Quelques secondes
    plus tard, le train et son wagon blindé, où voyagent
    une dizaine de policiers en patrouille, déraillent. Sortent
    alors des fourrés plusieurs groupes armés de fusils
    d'assaut qui prennent le convoi pour cible. Après une bataille
    rangée d'une heure, ils prennent la fuite. La cavalerie, une
    centaine de militaires et de policiers appelés en renfort,
    arrivera trop tard : des clous semés sur la route ont crevé
    les roues de leurs véhicules.

    Ce mauvais western a fait 21 blessés parmi les forces de l'ordre et les

    cheminots.Ses auteurs, un groupe d'islamistes-séparatistes,
    sèment le trouble depuis quinze mois dans les trois provinces
    musulmanes qui bordent la frontière malaisienne. Le 4 janvier
    2004, une attaque-surprise contre un camp de l'armée avait
    permis aux rebelles d'emporter des centaines d'armes de guerre.
    Depuis, le conflit n'a cessé de s'aggraver. Il aurait fait
    plus de 600 morts, pour la plupart des fonctionnaires, des policiers
    et des moines bouddhistes assassinés individuellement.
    L'approche musclée du gouvernement de Thaksin Shinawatra, qui
    a envoyé 20000 soldats sur le terrain, a renforcé la
    méfiance de la population locale. Celle-ci reste sous le choc
    du massacre de 30 jeunes rebelles dans une mosquée en avril
    2004 et de la mort de 78 manifestants musulmans étouffés
    dans des camions de l'armée en octobre.

    L'attaque du train, comme l'explosion d'une première voiture piégée

    en février (6 morts), semblent démontrer que les
    rebelles sont passés à une autre échelle du
    terrorisme.



    7 commentaires
  • Les ambitions du Dr Thaksin


    Chapo :

    En remportant haut-la-main les élections du 6 février, le Premier ministre thaïlandais Thaksin Shinawatra a renforcé son emprise sur la vie politique et économique du pays. Le “ Berlusconi ” thaïlandais saura-t-il maîtriser son pouvoir et conserver la démocratie ?

    Texte :

    La puissance et la gloire. La fortune et l'amour du peuple. A 55 ans, Thaksin Shinawatra a tout ce dont rêvent les hommes ambitieux. Le 6 février, l'homme le plus riche de Thaïlande a remporté une victoire électorale sans précédent dans l'histoire de la démocratie thaïlandaise. Son parti, Thai Rak Thai – les Thaïs aiment les Thaïs – a soufflé la grande majorité des sièges de l'Assemblée nationale pour la seconde fois consécutive. Avec près de 376 sièges sur 500, il a pu former seul le gouvernement, une première pour un pays habitué aux coalitions.
    “ Après le tsunami, voici le Thaksunami ! Cette deuxième vague sera encore plus meurtrière que celle qui a dévasté Phuket le 26 décembre. Thaksin va devenir un dictateur élu, c'est terrible pour notre pays ”, se désole en privé Kavi Chongkittavorn, directeur éditorial de The Nation, quotidien en anglais très critique du Premier ministre. Et pourtant, les tendances autocratiques du nouvel homme fort de la Thaïlande ne l'ont pas empêché de séduire sept électeurs sur dix. Au premier abord, Thaksin semble avoir entendu les voix qui expriment une crainte de le voir dériver vers un pouvoir absolu issu des urnes. « J'ai la volonté que chacun participe [au processus politique] et je suis prêt également à subir l'examen du peuple », a-t-il précisé dès que sa victoire a été connue le 6 février.

    Après avoir passé quatre ans à “ réparer ” le pays, Thaksin entend consacrer son second mandat à “ construire ” un Etat moderne, en s'engageant notamment dans une politique de grands travaux d'infrastructure. Mais ses tentatives pour contrôler les médias et son approche musclée de la lutte contre la rebellion islamiste dans le Sud ou les trafiquants de drogue – 2500 morts en 2003 – ont fait du chef de gouvernement le mieux élu de la région la cible de choix des défenseurs de la démocratie.
    Ce petit homme au visage plat et régulier, avec la raie sur le côté et le sourire contraint qu'offrent parfois les cinquantaines ordinaires, a bâti deux véritables empires en moins de vingt ans. Le premier, Shin Corp., est un conglomérat spécialisé dans les télécommunications – satellites et téléphonie mobile. Pour des raisons constitutionnelles, Thaksin en a transféré les parts à ses proches parents. Selon une dernière estimation, le clan Shinawatra pèserait aujourd'hui en bourse 31,54 milliards de bahts, soit 645 millions d'euros. La somme atteindrait deux milliards d'euros en y ajoutant l'ensemble de leurs valeurs. Le chef de famille, malgré son emploi du temps surchargé, décide toujours des stratégies commerciales de l'une des holdings les plus performantes du royaume.
    Son deuxième empire n'est autre que le Thai Rak Thai, parti de 11 millions de membres, soit un électeur sur quatre. Fondé en 1998 dans le but avoué d'amener Thaksin Shinawatra au pouvoir, le TRT est une machine à gagner des voix, contre laquelle les partis traditionnels se sont brisés les poings. Son programme ouvertement populiste, basé entre autres sur l'accession des plus pauvres au crédit et les visites hospitalières à moins d'un euro, a recueilli l'enthousiasme des foules. La croissance économique retrouvée - 6% en 2004 – assure une certaine marge de manœuvre au gouvernement. Certains partis, à bout de souffle ou sentant le vent tourner, ont choisi de fusionner avec le TRT. D'autres, comme ses principaux opposants du Parti démocrate, font de la figuration. « Il faut être réaliste : le TRT a tenu ses promesses électorales. L'économie thaïlandaise est comme sous perfusion de stéroïdes, autrement dit les mesures populistes du gouvernement. Elle aura désormais du mal à s'en passer. Il semble d'ailleurs que certains gouvernements de l'Asean s'embarquent sur le même chemin. Mais seul l'avenir dira où nous mènera ce nouveau style asiatique de gouvernement », ne peut que s'interroger le Dr. Buranaj Smutharaks, directeur de la communication du Parti démocrate.
    “ Le TRT, c'est comme le club de football de Chelsea en Angleterre. Ils ont tous les moyens, peuvent acheter et employer n'importe qui ”, affirme de son côté Kobsak Chutikul, ancien député. “ Mais j'ai voté pour Thaksin, car il a réussi le tour de force de dicter sa politique aux bureaucrates qui dirigeaient le pays en sous-main depuis des décennies. ”
    Jakrapob Penkair, porte-parole du gouvernement, confirme la recette gagnante du TRT : « Nous nous sommes lancés dans ces politiques dites « populistes » parce que non seulement elles fonctionnent, mais aussi parce qu'elles nous ont permis de redéfinir la position de Premier ministre. Auparavant, ce dernier n'était que le secrétaire des bureaucrates et les universitaires avaient pris l'habitude de dire au gouvernement ce qu'il devait faire. Changer tout cela nous a pris quatre ans. »
    Si Thaksin Shinawatra a su si facilement retourner ce système de pouvoirs, c'est qu'il le connaît mieux que quiconque. Le Premier ministre est né dans la soie en juillet 1949. Au sens propre du terme, puisqu'il est issu d'une influente famille de négociants en soieries, d'origine chinoise, installée depuis quelques générations dans la ville de Chiang Mai.
    Tout en participant à la gestion des affaires familiales dès l'âge de 16 ans, il entre à l'école de police, dont il sortira major en 1973. Le jeune officier y fait sienne la devise des forces armées : “ Rien n'est impossible. La mort vaut mieux que la défaite ou l'échec ”. Il poursuit ensuite ses études aux Etats-Unis, où il obtient un doctorat en justice criminelle à Huntsville, au Texas. Pour y gagner sa vie, il livre des journaux et travaille dans un fast-food.
    Jusqu'en 1987, le futur Premier ministre combine ses fonctions de représentant de la loi, à Bangkok, avec la gestion de ses affaires personnelles. En 1986, il réalise le coup qui lance véritablement sa carrière : la vente d'ordinateurs à la police par l'homme d'affaires Thaksin selon un plan décidé par le policier Thaksin ! Et c'est ainsi qu'il construit rapidement sa fortune, en obtenant des concessions de l'Etat dans le domaine des télécommunications. “ La politique et les affaires sont inséparables, comme la terre et le soleil ”, confiait Thaksin en 1992 à Chris Baker et Pasuk Phongpaichit, auteurs d'un récent ouvrage* sur le mélange des genres pratiqué par le milliardaire.
    Thaksin Shinawatra est un homme de défis, un manager dans l'âme, qui ne cesse de se fixer des objectifs. Lorsqu'il décroche, en 1997, son troisième portefeuille de ministre, il s'engage à faire disparaître en six mois les embouteillages à Bangkok. Ses piteux résultats lui vaudront bien des moqueries dans la presse et au sein de la classe politique.
    En tant que Premier ministre, il continue aujourd'hui à appliquer la même méthode. Il y a un an, au début de la rebellion islamo-indépendantiste dans le Sud du royaume, il donne deux mois aux forces de l'ordre pour ramener le calme. Un peu plus tard, trente jours devront suffire à ses ministres pour éradiquer la grippe du poulet qui menace la puissante industrie agro-alimentaire du royaume.
    Si ces objectifs ne sont pas atteints, Thaksin a désormais trouvé une recette pour ne plus perdre la face : il fait diversion et occupe la Une. Chaque semaine, son gouvernement lance une nouvelle idée, annonce une réforme ou un nouvel accord de libre-échange.
    Fin avril 2004, au plus fort de la crise dans le Sud, après la mort d'une centaine de séparatistes dans des attaques de postes de police, Thaksin se pique d'investir dans le club de Liverpool. Argent public ? Argent privé ? Thaksin et ses proches semblent hésiter. Les journalistes thaïlandais, dont la passion pour le football anglais est inégalable, s'emballent et relèguent aux pages intérieures le fiasco sécuritaire qui touche les trois provinces proches de la Malaisie.
    Dernièrement, l'effroyable tsunami, qui a fait plus de 5000 victimes dans le royaume, a donné au milliardaire des télécoms l'occasion de démontrer pendant des dizaines d'heures à la télévision son approche dynamique de la politique. Multipliant les visites sur les lieux de la catastrophe, limogeant le directeur de la météorologie nationale, jouant sur la corde nationaliste en refusant haut et fort une aide financière internationale, le Dr Thaksin a rassuré une population déboussolée par les événements. Au passage, il a également réussi à faire oublier pour quelque temps l'insurrection islamiste qui bout à l'extrême Sud du pays et les accusations de népotisme dont il fait l'objet : les avoirs de la famille Shinawatra, a-t-on appris début janvier, ont augmenté de 70% au cours des douze mois précédents...

    Outre sa force de conviction peu commune, le leader du Thai Rak Thai s'est toujours appuyé sur des réseaux. Mais c'est son épouse, Pojaman Damaphong, qui a joué le plus grand rôle dans sa carrière. Modeste, toujours dans l'ombre de son mari, elle est pourtant sa première conseillère. « Je ne vais pas perdre la boule et devenir un dictateur. Le peuple thaï peut se rassurer : ma femme me garde les pieds sur terre », a confié Thaksin à la presse il y a deux ans. « Un dicton thaïlandais affirme que “ ceux qui ont peur de leur femme prospèrent ”. Thaksin doit en être la preuve vivante », s'amuse un observateur occidental.
    Si ce passionné de golf et de football a un cœur, c'est à sa famille qu'il le montre. Pojaman et Thaksin se sont connus adolescents, mariés en 1976 et sont aujourd'hui parents d'un garçon de 24 ans et de deux filles de 22 et 18 ans. Ayant reçu de leur père l'essentiel des parts de Shin Corp. en 1997, ces trois jeunes gens figurent parmi les plus riches d'Asie.
    Pour enseigner “ la valeur de l'argent ” à la plus jeune, Paethongtan, le fier papa n'a rien trouvé de mieux l'an dernier que de l'envoyer travailler dans un MacDonald de Bangkok, qui fut aussitôt envahi par les journalistes ! La démonstration par l'exemple culinaire semble d'ailleurs une constante chez le Premier ministre thaïlandais. On ne compte plus les fois où il est apparu à la télévision en train de “ cuisiner pour le peuple ”. Il fit, dit-on, de succulents beignets de poulet pour inciter à la consommation de volaille pendant la crise de la grippe aviaire début 2003.
    Le clan Shinawatra-Damaphong, un réseau de cousinage et d'amitiés au sein des forces de l'ordre et du monde des affaires, a également bien profité de l'arrivée au pouvoir de Thaksin. Son cousin, Chaisit, a pris la tête de l'armée de terre et son beau-frère, Priewphan Damapong, est devenu chef adjoint de la police nationale.
    “Dans la version Thaksin du contrat social, le “peuple” existe seulement pour remettre ses droits dans les mains du gouvernement et attendre que celui-ci veuille bien lui fournir les bienfaits de sa politique », expliquent Chris Baker et Phasuk Phongpaichit dans leur récent ouvrage.
    Car il est vrai que le Premier ministre thaïlandais a beaucoup de mal à supporter les critiques. Cela le rend extrêmement nerveux, à tel point qu'il s'est lancé à plusieurs reprises dans des diatribes enflammées contre la presse. Au début de son premier mandat, le gouvernement Thaksin a cherché à nuire au travail des journalistes étrangers, en faisant interdire notamment un numéro de The Economist et menaçant d'expulsion deux correspondants de la Far Eastern Economic Review. En sus de la maîtrise des ondes – Thaksin contrôle les médias électroniques gouvernementaux ainsi que la seule chaîne TV hertzienne privée, ITV - le « Berlusconi » thaïlandais a tenté de s'attirer, avec plus ou moins de succès, les bonnes grâces de la presse écrite, souvent par le biais d'achats publicitaires des ses entreprises ou des agences d'Etat. « J'ai une bonne connaissance de la philosophie démocratique, alors ceux qui en savent moins [que moi], arrêtez s'il vous plaît de parler trop... Je ne suis pas un homme fou de pouvoir... », expliquait-il sans rire à la presse en novembre 2002.
    Le peuple thaïlandais, s'il soutient aujourd'hui sans complexe le politicien milliardaire et ses amis, n'est sans doute pas prêt à perdre entièrement le droit de critique sur ses élus. Malgré tous ses efforts, nul doute que Thaksin Shinawatra continuera à entendre des voix, venues d'en haut et d'en bas, pour lui rappeler qu'il doit son mandat au peuple.
    “ Pour se calmer quand il est critiqué, il délaisse ses livres sur le monde des affaires et nous envoie chercher d'urgence un ouvrage sur le bouddhisme ”, raconte Jakrapob Penkair, porte-parole du gouvernement. Ceux qui craignent que le deuxième mandat de Thaksin n'accentue son autoritarisme savent dorénavant quel cadeau lui faire...
    François Tourane

    *Thaksin, The Business of Politics in Thailand, Silkworm Books, Bangkok, 2004.

    4 commentaires


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique