• Cambodge Soir : histoire d'un sabordage<o:p> </o:p>

    Le quotidien Cambodge Soir a cessé de paraître le 11 juin. Les journalistes, en grève, réclament la réintégration d'un de leurs collègues injustement licencié et une garantie d'indépendance éditoriale. Un accident de parcours qui pourrait se transformer en naufrage.

    Cambodge Soir est né, en 1995, d'une ambition claire : faire survivre une francophonie moribonde au Cambodge face au déferlement des médias anglophones. Comme au Vietnam avec le Courrier du Vietnam et au Laos avec le Rénovateur, les autorités de la Francophonie qui ont financé son lancement puis son développement n'avaient guère d'autres ambitions que culturelles. Mais le Cambodge, au contraire de ses deux voisins, accueillait depuis 1993 – malgré quelques anicroches – une presse écrite libre.<o:p> </o:p>

    Et le journal, feuille de chou trihebdomadaire de quatre pages au départ, a rapidement dépassé les objectifs fixés au départ, devenant quotidien en 1997 et incluant plus tard des pages d'information en langue khmère. Formant des journalistes cambodgiens d'une qualité et d'une éthique exceptionnelle, Cambodge Soir est vite devenu, sous la houlette de son rédacteur-en-chef Pierre Gillette, une référence en termes d'informations à chaud, de documentaires et d'exclusivités. Il est depuis longtemps la lecture préférée de l'ex-roi Sihanouk. Indépendante de tout parti politique local, sa rédaction pouvait agir et écrire en toute objectivité, ce qu'appréciaient ses quelques milliers de lecteurs.

    Trois mois après le départ, en février dernier, de Pierre Gillette, figure emblématique du journal depuis sa création, Cambodge Soir est entré dans une des crises les plus graves de son histoire. Les précédentes menaces qui avaient pesé sur le quotidien étaient d'ordre financier – la Francophonie se faisant toujours un peu tirer l'oreille pour verser l'aumône nécessaire à l'équilibre des comptes.

    Le 10 juin dernier , c'est une hache de guerre politique qu'a déterré la direction du journal, en décidant de licencier sur le champ le journaliste Soreen Seelow. Celui-ci avait eu « l'outrecuidance » de publier un article mentionnant le rapport d'une ONG, Global Witness, critiquant la mauvaise gestion et la corruption du gouvernement et notamment de proches du Premier ministre Hun Sen dans la gestion des ressources forestières du pays. Le gouvernement avait interdit la diffusion de ce rapport, ce qui n'a pas empêché plusieurs journaux, dont The Cambodia Daily, de l'évoquer.<o:p> </o:p>

    Alors, pourquoi cette réaction brutale de la direction de Cambodge Soir, qui pendant douze ans avait laissé les journalistes faire leur travail ? C'est tout simplement la conséquence d'une conflit d'intérêt majeur d'un des actionnaires, Philippe Monin, par ailleurs conseiller de l'Agence française de développement (AFD) auprès du ministère cambodgien de l'Agricultur. Celui-ci, nous a-t-on expliqué, s'est mis dans une rage folle, tout en expliquant à Soren Seelow que son article allait provoquer la colère des autorités et le plaçait en porte-à-faux. Le brutal licenciement du journaliste, le 10 juin, allait provoquer une grève de la rédaction le lundi 11 juin et l'annonce de la fermeture du journal pour « raisons de faillite économique » le 12 juin. Dans un communiqué, l'équipe rédactionnelle regrettait alors « la brutalité avec laquelle a été annoncée cette décision de mettre un terme à un travail de treize ans, alors que de nombreux projets ont été mis en place au cours des derniers mois : lancement du site internet www.cambodgesoir.info, édition d'ouvrages, réflexion sur l'évolution du contenu éditorial... ».

    Aujourd'hui, les journalistes de Cambodge Soir maintiennent leur mouvement de grève et espèrent que des négociations avec la direction permettront de relancer le journal. De nombreux appels ont été faits pour que ne sombre pas cet îlot d'indépendance journalistique au Cambodge. Soixante-dix journalistes basés en Asie et dans le reste du monde ont signé un courrier envoyé à Abou Diouf, secrétaire général de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF), pour lui demander de ne pas « laisser disparaître ce vecteur de la Francophonie » et de refuser avec eux « cette décision prise par une poignée de personnes qui, selon leurs propres dires, n'ont pas la « même conception de développement » du Cambodge que celle d'une équipe rédactionnelle dévouée à l'indépendance et au respect des faits ».

    La brutalité et le cynisme de la direction de Cambodge Soir dans cette affaire – qui rappelle un peu la manière dont elle a coulé le mensuel régional francophone le Mékong l'année de la naissance du quotidien cambodgien – ne doit pas faire oublier que cet édifice éditorial était bâti sur de fragiles fondations. Les actionnaires de Cambodge Soir sont (étaient ?) condamnés à ne jamais toucher de bénéfices : plus les recettes publicitaires augmentaient, plus la subvention de l'OIF diminuait. Mais l'équilibre budgétaire de ce type de publication, au vu du marché local et d'une population francophone sans véritable renouvellement, reste une utopie. Les propriétaires du journal ont donc choisi – à l'heure où j'écris ces lignes - de saborder le navire pour se protéger politiquement. Ils n'avaient rien à perdre financièrement. Ce n'est pas ce que l'on appelle une leçon de courage.

    FT

    2 commentaires
  • Le djihad à la mode thaïe

    24/05/2007 - De notre envoyé spécial François Tourane - © Le Point

    La Thaïlande des touristes n'a rien à craindre. Mais la région du sud, à majorité musulmane, est en proie à une véritable guérilla. Reportage.

    T out est calme dans l'enceinte de la pagode Putthapum, près de la gare de Yala. Les chiens font la sieste et quelques jeunes bonzes devisent en buvant du thé sous un arbre, en attendant l'heure de la prière du soir. Jon, un de leurs amis, qui a repris la vie laïque il y a peu, vient les rejoindre. Il pose sur la table un talkie-walkie, qui ne tarde pas à crépiter. Une voix lointaine annonce qu'une bombe vient d'exploser dans une cabine téléphonique, à quelques kilomètres de la ville. Une angoisse empreinte de résignation se lit sur les visages des moines. Ce soir, des soldats en armes se posteront à l'entrée de la pagode.

    Depuis plus de trois ans, les bouddhistes des trois provinces du sud de la Thaïlande savent qu'ils peuvent être à chaque instant la cible d'une attaque des rebelles. En janvier 2004, un groupe d'indépendantistes d'inspiration islamiste s'est lancé dans une guérilla meurtrière contre les symboles de l'Etat thaïlandais à majorité bouddhiste. Il use de toutes les armes de la terreur : attentats à la bombe et à la grenade, mitraillages de véhicules ou de passants, incendies de bâtiments publics, décapitations sordides.

    Cible des terroristes : les forces de l'ordre, les fonctionnaires, les enseignants, les moines et les musulmans considérés comme « collaborateurs ». Objectif présumé de ces rebelles anonymes et sans chefs identifiés : rétablir le sultanat de Pattani, indépendant jusqu'à son annexion par le royaume de Siam, en 1909. Plus de 80 % des habitants du Sud sont des musulmans appartenant à l'ethnie Yawi, dont la langue et la culture sont proches de celles des Malais. Ce conflit sans nom a fait plus de 2 100 morts. La moitié d'entre eux étaient des musulmans - les représailles de l'armée et de la police thaïlandaises ont aussi fait des centaines de victimes.

    « Le Sud, c'est l'empire de la peur », reconnaît Pranai Suwanrath, directeur général du Centre administratif des provinces frontalières du Sud. Cette agence a pour mission de maintenir l'ordre dans la région et de favoriser le dialogue entre les autorités et les représentants de la communauté musulmane. « Les bouddhistes et les musulmans se regardent comme des étrangers, alors qu'ils vivaient en harmonie il y a quelques années. Les leaders de ce mouvement rebelle endoctrinent des jeunes gens pauvres en déformant l'Histoire et utilisent la religion pour diviser la population », affirme ce haut fonctionnaire. Dans le cadre d'une politique de « conquête des âmes et des esprits », son administration a entrepris de former des médiateurs dans chacun des 1 900 villages de la région. Ceux-ci sont chargés de recueillir les plaintes des villageois, qui pour la plupart parlent très mal le thaïlandais et redoutent de s'adresser aux fonctionnaires, juges ou policiers, en majorité bouddhistes.

    Mais cette politique de réconciliation s'accompagne d'une militarisation accrue de la région. Le général Sonthi Boonyaratglin, chef de la junte qui a renversé le gouvernement de Thaksin Shinawatra le 19 septembre 2006, a promis d'ajouter bientôt 15 000 hommes aux 20 000 policiers et militaires qui patrouillent actuellement dans les trois provinces.

    « Plus il y a de soldats, plus la situation s'aggrave. Tout est de la faute du gouvernement », fulmine Usa, une jeune musulmane de Yala, habillée d'un jean et les cheveux cachés sous un voile fleuri. Dans un restaurant de la ville peu fréquenté - elle a peur qu'on la voie avec des étrangers -, cette étudiante de 25 ans explique que de nombreux musulmans sont persuadés que « le conflit est entretenu par les Américains et les juifs qui contrôlent le capitalisme mondial ». Que Bangkok ait refusé, fin avril, une assistance militaire américaine n'ébranlera sans doute pas le moins du monde cette conviction.

    Le gouvernement civil installé par la junte a fait de la résolution du conflit dans le Sud une de ses priorités. Le Premier ministre, Surayud Chulanont, a même accompli un geste exceptionnel : il s'est s'excusé pour les erreurs et les violences commises par le gouvernement précédent. Cela n'a pas empêché une recrudescence des attaques rebelles depuis janvier 2007. Chaque jour, on compte un ou deux morts, le plus souvent tués à bout portant par des jeunes gens à moto ou attaqués en se rendant, à l'aube, dans les plantations d'hévéas. Le mois de février, avec 81 attentats à la bombe, 80 fusillades et 54 morts, fut le plus violent depuis 2004.

    Dans son QG au nord de Yala, le colonel Acra Tiproch, porte-parole de la IVe armée, se montre confiant : « Au début, nous étions aveugles, nous ne savions pas à qui nous avions affaire. Aujourd'hui, nous connaissons la structure de leur organisation. Ils n'ont pas d'artillerie, pas d'hélicoptères, peu de ressources financières, seulement une volonté farouche d'obtenir leur indépendance. » Il précise que 130 « terroristes » se sont rendus dans les deux derniers mois.


    Listes noires. Sur le terrain, la situation prête moins à l'optimisme. Le village de Ban Karubi, à l'intersection des trois provinces, est classé en zone rouge, la plus dangereuse. Entouré de plantations d'hévéas, il est très régulièrement la cible des insurgés. En avril, le poste de police, pourtant protégé par des sacs de sable et des réseaux de barbelés, a subi une attaque en règle qui a fait deux blessés. Le chef de la police montre avec fierté les filets antigrenades qu'il a, depuis, fait installer. Sur les murs de son bureau sont affichés les noms et les visages de dizaines de rebelles recherchés. Cet homme élégant, amulette bouddhiste tressautant sur son tee-shirt blanc, est arrivé de Bangkok il y a peu. Il explique que ses hommes surveillent près de 1 000 personnes vivant dans le district - qui en compte 15 000 - et soupçonnées d'avoir des liens avec la guérilla.

    Ces listes noires sont pourtant censées avoir été supprimées depuis l'arrivée du nouveau gouvernement, mais la réalité sur le terrain est bien différente. « Nous surveillons leurs déplacements, leurs maisons, leurs lieux de travail. Mais la mission est difficile, car ils sont très nombreux », explique-t-il.

    Sur une route près de Ban Karubi, un pick-up transportant des soldats a été victime, en février, d'une mine artisanale posée sur la chaussée. Dans le camp militaire installé à l'entrée du village, le soldat Prachon, un jeune homme au visage poupin, raconte qu'il a vu mourir son camarade Wanchai, 23 ans, qui conduisait le véhicule. « Maintenant, j'ai un peu peur. Mais nous sommes là pour aider les gens, pas pour les tuer. Après tout, nous sommes tous thaïlandais. » Le capitaine Phatt, commandant de la compagnie, petit homme sec dans un uniforme impeccable, hoche la tête d'un air grave.

    Un peu plus tard, en patrouille dans les environs, le capitaine Phatt s'adresse aux villageois en souriant. Mais ceux-ci semblent paralysés par la présence des soldats. Ibrahim, paysan à la peau ridée par le soleil, attablé à boire le thé dans une petite échoppe, ne racontera pas l'angoisse qui l'étreint, aux dernières heures de la nuit, quand il se rend à la plantation voisine pour recueillir la sève blanche des hévéas. Mais la peur est palpable. Pour avoir parlé deux minutes avec un étranger, il pourrait devenir la prochaine victime des rebelles. Seuls deux soldats semblent plus à l'aise. Ils sont musulmans, venus d'autres provinces, et ont été intégrés récemment aux unités basées dans le Sud. Ron, au visage allongé d'un bouc hirsute, se rend régulièrement à la mosquée pour prier. Il s'entend bien avec l'imam du village, homme replet au crâne rasé, qui déclare que « l'islam est une religion de paix » et que « ceux qui tuent des innocents ne sont pas de vrais musulmans ».


    Climat de méfiance. Dans les trois grandes villes du Sud, Pattani, Yala et Narathiwat, les fréquents attentats à la bombe perturbent fortement la vie quotidienne et l'économie. La plupart des boutiques et des restaurants ferment à la tombée de la nuit et le commerce tourne au ralenti. « Les musulmans n'achètent plus chez les commerçants bouddhistes et vice versa. Il y a un climat de méfiance jamais vu entre les deux communautés », explique Ying, enseignante à Pattani. Sur le campus de son établissement, les étudiants se partagent désormais en deux communautés. Et certains enseignants bouddhistes vivent dans une véritable paranoïa. L'un d'entre eux, pour avoir fait une mauvaise plaisanterie avec des élèves musulmans, se voit contraint depuis des mois de vivre cloîtré chez lui, n'en sortant que pour aller donner ses cours. Sa hiérarchie l'a prévenu : il est sur la liste des personnes menacées. Depuis 2004, 71 enseignants ont été assassinés par les insurgés et 15 % des écoles de la région ont été incendiées.

    Les autorités thaïlandaises n'ont toujours pas clairement identifié les leaders du mouvement. Certains affirment qu'ils seraient liés à une mafia locale qui profiterait du chaos pour mener à bien ses trafics. D'autres que le financement de la guérilla proviendrait en partie de mouvances islamistes étrangères. Cet anonymat empêche en tout cas pour l'instant Bangkok d'entamer des négociations. On s'installe dans une guérilla meurtrière et personne n'aperçoit la moindre issue au problème

    Les islamistes sous surveillance

    L es mains jointes entre ses genoux, Ismail Lufti Japakiya parle d'une voix douce et posée. Vêtu d'un blanc immaculé, coiffe de sage sur la tête, le recteur de l'Université islamique de Yala exprime sa fierté d'avoir fondé en 1998 un établissement qui accueille aujourd'hui 2 000 étudiants dans des bâtiments flambant neufs. « Je voulais créer un endroit paisible où les gens de toutes les religions puissent étudier ensemble. Nos étudiants s'impliquent d'eux-mêmes pour améliorer les relations entre le gouvernement et les communautés musulmanes de la région. »

    Pourtant, Ismail Lufti, qui prône un islam rigoriste inspiré de l'enseignement wahhabite qu'il a lui-même reçu en Arabie saoudite, est sous la surveillance étroite des services de sécurité thaïlandais. Figure emblématique de l'islam local, il est soupçonné de liens avec l'organisation terroriste Jammaa Islamiya, même s'il s'en défend avec la plus farouche énergie. « C'est un malentendu, à cause des financements de l'université qui viennent du Qatar, du Koweït et des Emirats arabes unis. Mais ce sont les gouvernements de ces pays qui nous aident directement, pas des fondations obscures. » Le recteur, nommé par la junte membre de la nouvelle Assemblée législative, prêche pour une plus grande intégration des musulmans dans l'administration locale et y voit l'une des raisons du conflit actuel : « Aujourd'hui, 15 % des fonctionnaires locaux sont musulmans, pour 80 % de la population. Il faut rétablir l'équilibre. » F. T.

    La ville où tout le monde a peur

    C 'est une ville morte. Coupée en deux la nuit. D'un côté de la voie de chemin de fer, la ville neuve de Yala, douce cité aux avenues bordées de flamboyants, aux terre-pleins fleuris. Elle avait autrefois la réputation d'être la plus agréable de Thaïlande. Aujourd'hui, les commerçants baissent le rideau de fer à la nuit tombée. Régulièrement, des bombes visent les banques, les restaurants, les hôtels. Affalés sur le comptoir des rares bars restés ouverts, les serveurs se désolent.

    « Tout le monde a peur », répond-on au fonctionnaire venu d'en haut vérifier le moral des troupes. Dans les ruelles à peine éclairées, le silence est pesant. Deux motards de la police, armés jusqu'aux dents, foncent vers un coin plus noir encore. En début de soirée, un avion de l'armée a fait vibrer le ciel, avant de s'éloigner vers le Sud. De l'autre côté du passage à niveau, gardé par une escouade de militaires, le quartier populaire musulman reste animé encore quelques heures, le temps pour les familles de grignoter des brochettes ou un dessert sucré achetés à un vendeur ambulant posé en bord de route. La police ne s'y aventure même plus F. T.

     

    votre commentaire
  • Un petit papier ecrit la semaine derniere...

    Sinon, il commence a y avoir du buzz sur mon book... ici ou la . Rendez-vous a Saint-Malo la semaine prochaine pour Etonnants Voyageurs ?

    A+

    FT

     

    Sida : la croisade de Bill Clinton
    <o:p> </o:p>

    Bill Clinton, nouvelle idole des pays du Sud ? Militant convaincu de la lutte anti-sida, l'ancien président américain vient en tout cas de gagner ses galons d'humanitaire. La Fondation qu'il dirige et qui porte son nom a négocié un accord avec deux laboratoires indiens, Cipla et Matrix, qui permettra de réduire le prix de certains médicaments antirétroviraux (ARV) de 25 à 50% dans 66 pays pauvres ou en développement.

    Dans un discours à New York, Bill Clinton a très nettement pris partie pour la Thaïlande et le Brésil, deux pays engagés depuis des mois dans un bras de fer avec les grands laboratoires pharmaceutiques fabricants d'ARV de nouvelle génération. Ces médicaments, vendus extrêmement chers, sont nécessaires à la survie de 30,000 thaïlandais malades du sida devenus résistants au traitement de base. L'Américain Abbott menace par exemple de ne plus distribuer certains de ses médicaments en Thaïlande si Bangkok ne revient pas sur sa décision – légale dans le cadre de l'OMC - d'autoriser la fabrication et l'importation d'un générique d'un de ses ARV, l'Aluvia.

    Bill Clinton, en croisant le fer avec les gros industriels de son propre pays, démontre à tous les chefs d'Etat à la retraite qu'ils peuvent être encore utiles.

    François Tourane

    votre commentaire
  • Une autre fiche de lecture... beau portrait de la pasionaria birmane Aung San Suu Kyi.

    Le livre est disponible ici

     

    Biographie<o:p> </o:p>

    Suu Kyi, rêve et tragédie d'un peuple

    Cela fait bientôt vingt ans que les étudiants birmans ont vu leurs rêves de liberté anéantis sous les balles. Vingt ans aussi qu'une frêle dame revenue d'Angleterre est devenue le symbole vivant de ceux qui luttent pour la démocratie dans un pays soumis aux lois iniques d'une cruelle dictature militaire. A 61 ans, Aung San Suu Kyi aura passé plus de la moitié de ces années enfermée dans sa villa de Rangoon, détenue à domicile par les hommes du dictateur Than Shwe. Depuis juin 2003, le prix Nobel de la paix est pratiquement coupée du monde extérieur, isolée avec une proche amie et sa fille qui l'aident dans ses tâches de tous les jours. Elle qui avait fini par prendre goût à ces grands meetings populaires où le peuple venait l'écouter par milliers, la voici sans voix – et sans pouvoir.

    La biographie que consacre Thierry Falise à la Dame de Rangoon – et qui vient de sortir aux éditions Florent Massot - arrive à temps pour redonner une voix à celle dont le destin est lié pour toujours à celui de son peuple.

    Le journaliste belge, grand spécialiste de la Birmanie et de ses minorités ethniques, en fait un portrait sensible, fourmillant de détails et de personnages. Il nous fait entrer, avec pudeur et retenue, dans l'intimité de la pasionaria birmane, nous invitant à partager ses longues heures de solitude dans sa résidence de l'avenue de l'université, ses souvenirs, ses regrets et ses espoirs, comme si nous nous penchions par-dessus son épaule. Ce procédé d'écriture aurait pu tourner au voyeurisme ou au badinage, mais l'auteur sait, sans aller trop loin, nous faire sentir la force et la sensibilité qui émane de son personnage.

    Le récit est parsemé des témoignages et des portraits de nombreux proches, diplomates, acteurs anonymes du monde humanitaire ou des affaires. Thierry Falise, on le devine, est tombé comme beaucoup sous le charme de « The Lady ». Mais il nous conte sans mièvrerie les grandes tragédies et les petits bonheurs qui ont émaillé son existence. De la mort sous les balles de son père, le général Aung San, père de l'indépendance birmane, suivie de peu par celle de son jeune frère Ko Ko Lin, au décès loin d'elle de son mari, le chercheur anglais Michael Aris, Aung San Suu Kyi vit entourée de fantômes. Depuis son engagement en politique, elle a très peu vu ses deux fils, Kim et Alexander, qui vivent aujourd'hui aux Etats-Unis. Pour sauver son autre famille, le peuple birman, elle a choisi de sacrifier sa vie de famille. Le récit poignant que fait le journaliste de ces déchirements intimes ne peut que provoquer l'émotion et l'admiration pour cette fragile héroïne. Celui de son long combat politique, de son bras de fer interminable avec la junte, nous mène sur la scène d'un théâtre où se croisent informateurs, tortionnaires, dissidents obstinés et – toujours – les cris d'un peuple écrasé par l'un des régimes les plus durs de la planète.

    Alors, bien sûr, Thierry Falise n'oublie pas de pointer les reproches que lui font même certains de ses partisans. Dure, têtue, parfois trop « birmane » au goût des minorités ethniques, Daw Suu a pu faire des choix politiques controversés, se prononçant par exemple pour les sanctions économiques et contre la venue des touristes en Birmanie. Elle prône toujours, contre l'avis de certains qui voudraient répondre à la junte par les armes, la voie de la non-violence. Comme Gandhi ou Mandela, deux de ses modèles, elle pense que le temps travaille pour elle et qu'aucune dictature n'est éternelle. En refermant « Le jasmin ou la lune », on en est presque convaincu.   

    <o:p> </o:p>

    Aung San Suu Kyi, le jasmin ou la lune, préface de Jane Birkin,

    par Thierry Falise, éditions Florent Massot, 19,90 euros.

    Pour soutenir Aung San Suu Kyi, rendez-vous sur le site : www.asskfreedom.org

    <o:p> </o:p>

    <o:p> </o:p>

     


    1 commentaire
  • Bonjour,

    Voici le texte d'une critique du livre de Cyril payen sur le triste sort des Hmongs du Laos. A se procurer d'urgence, par exemple ici :

     

    Plaidoyer pour un peuple traqué

    En refermant les pages du dernier livre de Cyril Payen, on croit sortir d'un cauchemar. On se dit que ce n'est pas vrai, qu'il est impossible qu'un peuple de montagnards soit traqué, affamé, massacré par une armée sans code d'honneur, à quelques centaines de kilomètres de Bangkok, sans que quiconque proteste.

    C'est un vibrant appel au secours que lancent, par l'intermédiaire du journaliste français, les quelque 18 000 Hmongs qui résistent encore, dans une jungle inhospitalière et avec quelques vieilles pétoires, aux assauts de l'armée communiste laotienne : « une guerre implacable que le gouvernement nie en bloc, soucieux de ne pas alarmer les centaines de milliers de touristes et les investisseurs étrangers qui s'aventurent dans l'un des derniers bastions marxistes de la planète. »

    « Laos, la guerre oubliée » est le récit d'un reportage aux limites de l'impossible, qui se confondrait avec un roman d'espionnage et d'aventure. L'auteur raconte d'abord ses premiers contacts avec le réseau extérieur d'assistance aux Hmongs, sa remontée de la filière, son infiltration mouvementée au Laos avec son caméraman Grégoire Deniau. Il en profite pour nous révéler, au passage, la quête de ses origines laotiennes, quarteron à la recherche d'une grand-mère laotienne perdue dans les limbes de la mémoire familiale et de l'histoire tragique de l'ancien royaume du millier d'éléphants.

    Puis vient l'heure du « voyage au bout de l'enfer ». Une traversée de la jungle de plusieurs jours, dans les traces de deux guides intrépides armés d'un vieux fusil et d'une grenade. L'arrivée dans le camp du chef Moua Toua Ther, un manchot ancien lieutenant de l'armée secrète de la CIA au Laos. Une véritable Cour des miracles : 800 personnes à bout de souffle, errant dans la forêt depuis plus de trente ans, se nourrissant de racines et de rare gibier. Beaucoup sont orphelins, veuves, nombre sont mutilés. En 1989, le groupe de Moua Toua Ther comptait dix fois plus de Hmongs. Cyril Payen et Grégoire Deniau les rejoignent juste après une offensive de l'armée. Sous leurs yeux vont mourir plusieurs des blessés, dont des enfants. Vision intolérable d'un « peuple martyrisé pris entre l'enclume de l'oubli et le marteau implacable de l'extremination ». Sur un bout de papier, les anciens du groupe ont rédigé un message qu'ils chargent leurs deux visiteurs de délivrer au monde libre : « Nous sommes à bout de forces. Nous mourrons de faim. Nous sommes sans défense face à cette tuerie. [...] Nous sommes les victimes de guerres passées. »

    Alors on cherche avec l'auteur les reponsables. On accuse, bien-sûr, le régime de Vientiane, qui n'en finit pas de se venger des « laquais des Américains et de la CIA », menace par tracts d' « assiéger, débusquer et faire sortir de [leurs] trous pour [les] exterminer l'un après l'autre » les rebelles – eux, leurs femmes et leurs enfants.

    Dans son réquisitoire, Cyril Payen n'oublie pas la France, « mère patrie oublieuse et ingrate » qui s'est servie des Hmongs pendant la guerre d'Indochine avant de les abandonner derrière elle. Il n'oublie pas les Américains, qui les ont enrôlés sans se poser de questions dans leur guerre secrète et interdite. « Oui, l'Occident a bien une dette envers les vétérans hmongs », affirme-t-il. Mais « la France et les Etats-Unis attendent la mort de leurs obligés pour ne pas avoir à s'acquitter de cette dette ».

    Le journaliste pointe enfin du doigt les enjeux économiques qui font du massacre des derniers hommes libres du Laos une fin presque inéluctable à ce scénario d'horreur. Trois barrages électriques sont prévus dans la zone où survivent actuellement ces populations hmongs. Raison de plus pour le gouvernement laotien de « pacifier » la région en poursuivant sa propre « guerre secrète ».

    Un terrible et poignant témoignage à lire d'urgence.

    François Tourane 

    Laos, la guerre oubliée, préface de Pierre Schoendorffer, par Cyril Payen, Editions Robert Laffont, 18 euros.


    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique