• Hmongs du Laos : à lire d'urgence

    Bonjour,

    Voici le texte d'une critique du livre de Cyril payen sur le triste sort des Hmongs du Laos. A se procurer d'urgence, par exemple ici :

     

    Plaidoyer pour un peuple traqué

    En refermant les pages du dernier livre de Cyril Payen, on croit sortir d'un cauchemar. On se dit que ce n'est pas vrai, qu'il est impossible qu'un peuple de montagnards soit traqué, affamé, massacré par une armée sans code d'honneur, à quelques centaines de kilomètres de Bangkok, sans que quiconque proteste.

    C'est un vibrant appel au secours que lancent, par l'intermédiaire du journaliste français, les quelque 18 000 Hmongs qui résistent encore, dans une jungle inhospitalière et avec quelques vieilles pétoires, aux assauts de l'armée communiste laotienne : « une guerre implacable que le gouvernement nie en bloc, soucieux de ne pas alarmer les centaines de milliers de touristes et les investisseurs étrangers qui s'aventurent dans l'un des derniers bastions marxistes de la planète. »

    « Laos, la guerre oubliée » est le récit d'un reportage aux limites de l'impossible, qui se confondrait avec un roman d'espionnage et d'aventure. L'auteur raconte d'abord ses premiers contacts avec le réseau extérieur d'assistance aux Hmongs, sa remontée de la filière, son infiltration mouvementée au Laos avec son caméraman Grégoire Deniau. Il en profite pour nous révéler, au passage, la quête de ses origines laotiennes, quarteron à la recherche d'une grand-mère laotienne perdue dans les limbes de la mémoire familiale et de l'histoire tragique de l'ancien royaume du millier d'éléphants.

    Puis vient l'heure du « voyage au bout de l'enfer ». Une traversée de la jungle de plusieurs jours, dans les traces de deux guides intrépides armés d'un vieux fusil et d'une grenade. L'arrivée dans le camp du chef Moua Toua Ther, un manchot ancien lieutenant de l'armée secrète de la CIA au Laos. Une véritable Cour des miracles : 800 personnes à bout de souffle, errant dans la forêt depuis plus de trente ans, se nourrissant de racines et de rare gibier. Beaucoup sont orphelins, veuves, nombre sont mutilés. En 1989, le groupe de Moua Toua Ther comptait dix fois plus de Hmongs. Cyril Payen et Grégoire Deniau les rejoignent juste après une offensive de l'armée. Sous leurs yeux vont mourir plusieurs des blessés, dont des enfants. Vision intolérable d'un « peuple martyrisé pris entre l'enclume de l'oubli et le marteau implacable de l'extremination ». Sur un bout de papier, les anciens du groupe ont rédigé un message qu'ils chargent leurs deux visiteurs de délivrer au monde libre : « Nous sommes à bout de forces. Nous mourrons de faim. Nous sommes sans défense face à cette tuerie. [...] Nous sommes les victimes de guerres passées. »

    Alors on cherche avec l'auteur les reponsables. On accuse, bien-sûr, le régime de Vientiane, qui n'en finit pas de se venger des « laquais des Américains et de la CIA », menace par tracts d' « assiéger, débusquer et faire sortir de [leurs] trous pour [les] exterminer l'un après l'autre » les rebelles – eux, leurs femmes et leurs enfants.

    Dans son réquisitoire, Cyril Payen n'oublie pas la France, « mère patrie oublieuse et ingrate » qui s'est servie des Hmongs pendant la guerre d'Indochine avant de les abandonner derrière elle. Il n'oublie pas les Américains, qui les ont enrôlés sans se poser de questions dans leur guerre secrète et interdite. « Oui, l'Occident a bien une dette envers les vétérans hmongs », affirme-t-il. Mais « la France et les Etats-Unis attendent la mort de leurs obligés pour ne pas avoir à s'acquitter de cette dette ».

    Le journaliste pointe enfin du doigt les enjeux économiques qui font du massacre des derniers hommes libres du Laos une fin presque inéluctable à ce scénario d'horreur. Trois barrages électriques sont prévus dans la zone où survivent actuellement ces populations hmongs. Raison de plus pour le gouvernement laotien de « pacifier » la région en poursuivant sa propre « guerre secrète ».

    Un terrible et poignant témoignage à lire d'urgence.

    François Tourane 

    Laos, la guerre oubliée, préface de Pierre Schoendorffer, par Cyril Payen, Editions Robert Laffont, 18 euros.


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