• les heros du tsunami

    Les héros du 26 décembre

    Bien sûr, il y eut tous ces morts, toutes ces vies fauchées en un instant par la vague meurtrière. Mais sans le courage de certains, le bilan aurait été bien plus catastrophique. Et il furent nombreux, ceux qui avertirent au péril de leur vie les touristes aveuglés de soleil et les petits vendeurs de plage venus glaner ce matin-là les quelques dizaines de bahts qui leur permettent de vivre au jour le jour. Les héros de ce jour de malheur sont pour la plupart restés anonymes, mais nous avons pu récolter quelques histoires de courage et de lucidité.

    "Maman, il faut qu'on s'en aille de la plage, je pense qu'il va y avoir un tsunami", a annoncé gravement à sa mère la jeune Tilly, les yeux fixés sur la mère qui se retirait rapidement. Un peu effrayée, mais faisant confiance à sa fille, la maman a quitté la plage, entraînant les dizaines de personnes qui s'y trouvaient. Cette petite anglaise de 10 ans avait, quelques semaines auparavant, étudié en classe les séismes sous-marins et a tout-de-suite identifié la catastrophe qui s'approchait. Grâce à elle, la plage de Maikhao fut l'un des seuls endroits de Phuket à ne pas connaître de morts ni de blessés sur son rivage.

    Comme des centaines de femmes thaïlandaises, « Mama Ped » Jantra Kooluk pratique le massage traditionnel. Native de Krabi, c’est sur la plage d’Ao Nang, qu’elle exerce ses talents pour quelques centaines de bahts par jour, en compagnie de son mari Issa et d’autres membres de sa famille. Le matin du drame, Mama Ped a reçu un appel d’une amie de Phuket, la prévenant qu’une vague immense venait juste de ravager l’île à une cinquantaine de kilomètres au Sud. « Elle s’est alors lancée dans une course éperdue le long de la plage, criant à tous les vacanciers de sortir de l’eau », raconte Tom Bremer, un Finlandais témoin de la scène. « La plupart ont crû à la présence de requins et lui ont obéi, à temps pour sauver leur vie. ». Car la vague mortelle apparaissait déjà à l’horizon

    Mais les héros du tsunami ne furent pas seulement humains. On a cité par exemple dans la presse le cas de Ningnong, cet éléphant de 4 ans, qui portait une jeune anglaise de 8 ans sur ses épaules lorsque la vague a déferlé sur une page de Phuket. Aavec de l'eau jusqu'aux épaules, Ningnong a résisté à la force des eaux tourbillonnantes et s'est hissé, aux ordres de son mahout, jusque sur une colline un peu au-dessus de la plage.

    Un peu plus vers le Nord, un autre drame allait se jouer quelques dizaines de minutes plus tard, sur la grande plage de Khao Lak. Goran Aleksandrowski, 28 ans tout juste, directeur du Sofitel Magic Lagoon et ses collègues, allaient en être les malheureux héros.
    Il est un peu plus de dix heures du matin, en ce dimanche 26 décembre. Sur la plage ou dans un restaurant de plein air au bord d’une des plus grandes piscine du monde, la plupart des pensionnaires du Sofitel Magic Lagoon finissent leur petit dejeuner. Certains sont encore à faire la grasse matinée dans leur chambre, se remettant de leur soirée au Fun Pub de l’hôtel. D’autres déjeunent dans l’une des salles de restaurant de l’hôtel ou vérifient leur courrier électronique au Business Center. L’ombre des cocotiers et la brise qui vient de la mer attenuent la chaleur du soleil, déjà haut dans un ciel bleu et clair. Rien ne semble pouvoir ternir ce petit paradis niché au cœur d’une nature encore vierge.
    Situé sur la côte ouest de la Thaïlande, à une heure de route au nord de l’île de Phuket, le Sofitel Magic Lagoon attire depuis son ouverture, il y a deux ans, une clientèle fidèle de touristes aisés et d’expatriés s’échappant pour quelques jours de Bangkok, la capitale polluée et tentaculaire du royaume. Ce jour-là, quelque 415 personnes séjournaient dans les 319 chambres de ce bijou de la chaîne Accor, en grande partie des Allemands et des Scandinaves, mais également une centaine de Français, des Italiens, des Belges, des Chinois de Hong Kong, des Russes, des Chinois et bien sûr des Thaïlandais. 320 employés veillent à satisfaire en permanence les moindre besoins de ces clients fortunés qui payaient pour cela 800 dollars la nuit. A peine quelques semaines plus tôt, les ouvriers mettaient la dernière touche à des travaux de rénovation autour de la piscine, dont le montant s’est élevé à plusieurs millions de dollars.
    Vers dix heures et quart, la mer d’Andaman, relativement calme ce matin-là, commence à se retirer. Après quelques minutes, le rivage se trouve à quelques centaines de mètres. Mais personne ne semble s’en inquiéter. Sur la grande plage de Khuk Kak, bordée de resorts tout aussi paradisiaques, certains en profitent même pour ramasser coquillages et crustacés laissés derrière elle par la mer. D’autres prennent des photographies de cet étrange paysage apparu soudainement.
    Goran Aleksandrowski, ce matin-là, n’était pas de service. Après une séance de fitness, le directeur de l’hôtel s’apprêtait à lire la presse quand son téléphone portable a sonné vers 10h30. Son adjoint, Abu Hurair, un Indien de 37 ans, s’inquiétait du recul de la marée et lui a demandé de le rejoindre sur la plage. Averti lui aussi, Erwann Maye, Français de 29 ans en charge de la restauration, s’empresse avec ses collègues de faire évacuer la plage. Moins de six minutes plus tard, la première vague frappait le resort, emportant tout-de-même des dizaines de personnes, frappant celles qui n’avaient pu s’éloigner ou sont restées coincées au rez-de-chaussée de l’hôtel. Abu Hurair, le premier à avoir senti le danger, allait périr alors qu’il aidait un couple de retraités allemands à quitter la plage. Mais sa vivacité d’esprit en a sans doute sauvé des dizaines d’autres.
    Face à son hôtel dévasté, Goran Aleksandrowski, le lendemain matin, n’avait plus qu’une pensée : « On peut reconstruire des structures, mais pas des êtres humains… »
    François Tourane



  • Commentaires

    1
    createur
    Mercredi 26 Janvier 2005 à 18:10
    merci
    merci tourane pour ton article qui montre un autre visage de la catastrophe ...
    2
    NaB
    Jeudi 27 Janvier 2005 à 01:02
    Merci aussi
    j'allais dire la même chose. Merci :) De manière générale, merci pour tout ce blog :)
    3
    moi
    Jeudi 27 Janvier 2005 à 09:00
    ya pa de koi
    l'info est faite pour etre partagee (meme si il faut aussi gagner sa vie...)
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