• Du Japon à la Birmanie, la démocratie en questions
    Non, la démocratie n'est pas uniquement une valeur occidentale. C'est en tout cas le sens du message aue veulent envoyer les créateurs de l'Index de la Démocratie en Asie (IDA), une évaluation du niveau de démocratie, de bonne gouvernance et de respect des droits l'homme dans la région. Cet Index, dévoilé en septembre lors du 1er Forum mondial sur la démocratisation en Asie, à Taiwan, couvre 16 pays et résulte de plusieurs milliers de questionnaires remplis par des personnes politiquement impliquées dans la vie de leur pays (politiciens, journalistes, membres d'associations, etc.) 22 propositions étaient réparties en six chapitres : droits civils, processus électoral, bonne gouvernance et corruption, médias, le respect de la loi et les participation et représentations des citoyens. Il fallait y répondre en évaluant leur validité dans le pays en question : “fortement d'accord”, “d'accord”, “ne sais pas”, “pas d'accord”, “fortement en désaccord”. Par exemple, la première proposition était : “les gens (de mon pays) peuvent ouvertement questionner et discuter des politiques officielles sans peur”. Une autre : “Les médias sont libres et indépendants du gouvernement et d'autres sources”. Ou bien encore : “les officiels élus et les fonctionnaires sont tenus responsables de leurs actions”.
    Venons-en au classement : ce sont, sans trop de surprise, trois pays (ou régions) parmi les plus développés d'Asie qui se classent aux trois premières places : Japon, Hong Kong et Taiwan. C'est également avec peu d'étonnement que l'on retrouve les généraux birmans en lanterne rouge, largement détachés du peloton. Par contre, les plus naïfs ou les moins informés resteront bouche bée devant le classement de Singapour. L'île-Etat, dont les dirigeants contrôlent la vie politique et les médias d'une main de fer, a encore de nombreux progrès à faire. Dans le tas, la Thaïlande s'en sort plutôt bien, en sixième position, entre les Philippines et l'Indonésie. Mais il est clair que le royaume pourrait descendre au classement du prochain index, prévu pour 2007, si les tentatives du gouvernement pour museler les critiques se poursuivent.
    On notera que de nombreux pays manquent à l'appel sur cette liste – notamment les géants indien et chinois, mais aussi le Vietnam et le Laos. “Pour des raisons de temps, de moyens humains et surtout d'accès à un nombre trop restreint de répondants potentiels, nous n'avons pas pu englober l'ensemble des pays de la région”, explique Paul Scott, membre de l'Alliance pour la Réforme et la Démocratie en Asie, à l'origine du projet. “Cet Index n'est pas parfait, c'est le premier, mais le suivant devrait être meilleur et surtout inclure davantage de pays”.
    François Tourane (à Taipei)



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  • Le papier d'un ami très proche !

    Cambodge Soir : le
    Cambodge au jour le jour depuis dix ans

    Le quotidien en français
    de Phnom Penh fête cette année son dixième
    anniversaire. A cette occasion, l'Institut de recherche sur l'Asie du
    Sud-Est contemporaine publie un ouvrage reprenant certains des
    meilleurs articles du journal. Philippe Latour, premier
    rédacteur-en-chef de Cambodge Soir, en fait une analyse toute
    personnelle pour Gavroche.

    A la lecture de
    « Chroniques sociales d'un pays au quotidien »,
    publié par l'IRASEC en ce mois d'octobre 2005, je me sens
    envahi par deux sentiments contradictoires : la fierté et la
    tristesse. La fierté, c'est celle d'avoir participé, en
    1995, au lancement de cette barque fragile, un quotidien francophone
    dans l'un des pays les plus pauvres du monde, pour constater, dix ans
    plus tard, qu'elle est devenue une vraie vedette de l'actualité
    du royaume.

    On doit ici rendre
    hommage à Pierre Gillette, pilier du journal et
    rédacteur-en-chef depuis plus de neuf ans. Sa connaissance
    profonde des heurts et des douleurs du pays khmer, tout comme sa
    volonté de maintenir une ligne éditoriale claire et
    indépendante, sont pour beaucoup dans le respect qu'éprouvent
    les acteurs de tous bords pour le journal francophone. Les noms de
    ses collègues et adjoints français, de François
    Gerles à Grégoire Rochigneux (éditeur de
    l'ouvrage en question), sont aussi à inscrire au tableau
    d'honneur.

    La survie de Cambodge
    Soir doit beaucoup, ne l'oublions pas, au financement fidèle
    de la « Francophonie » bienfaitrice. Mais ceux
    qui ont donné sa véritable âme au journal, ce
    sont les journalistes cambodgiens, dont certains y travaillent depuis
    le début de l'aventure. Venus de la section journalisme de
    l'Université royale de Phnom Penh, mais aussi d'autres
    horizons, les Cambodgiens qui ont fait couler l'encre du journal ont
    apporté un regard inédit sur leur peuple et leur pays ;
    le tout avec une neutralité et un désir d'approcher la
    vérité qu'on ne trouve que peu dans le reste de la
    presse locale. Les dizaines d'articles repris dans les « chroniques
    sociales » sont avant tout le témoignage d'un
    professionnalisme et de méthodes d'enquête digne du
    meilleur journalisme français. C'est là un sujet de
    fierté complémentaire : Cambodge Soir a formé,
    en dix ans, plusieurs dizaines de journalistes cambodgiens dont
    certains de très grande valeur, comme Kong Sothanarith, le
    correspondant d'RFI à Phnom Penh. Un constat qui va à
    l'encontre des idées reçues : malgré les ravages
    d'une guerre trentenaire, les Cambodgiens sont toujours capables
    d'apprendre, même dans le domaine intellectuel.

    Malheureusement, sur le
    fond, l'ouvrage publié par l'Irasec nous rappelle combien le
    royaume du Cambodge a peu évolué en dix ans. Et c'est
    ce qui, à la lecture, est source de tristesse lorsque l'on
    est, comme moi, très attaché à ce pays. Les six
    chapitres des « chroniques sociales » étirent
    les fils rouges du sous-développement et du malheur du « petit
    peuple » de Sihanouk. Du traumatisme khmer rouge à
    la jeunesse désenchantée de Phnom Penh, en passant par
    la pauvreté, les luttes sans fin des paysans pour conserver
    leurs terres, on ne peut que désespérer et murmurer,
    une fois de plus, un lancinant : « Ils ne sortiront jamais
    de leur misère... ».

    Alors, bien sûr, on
    peut se forger quelques espoirs en constatant que, depuis les combats
    qui ont ensanglanté Phnom Penh en 1997, huit ans se sont
    écoulés sans le moindre conflit armé – et pour
    cause, il n'y a plus qu'une seule armée, celle contrôlée
    par le Premier ministre Hun Sen ! On peut également se réjouir
    de la disparition de la menace khmère rouge et de la tenue,
    toujours hypothétique, du procès international des
    bourreaux du peuple cambodgien. On peut aussi rire, de l'éclat
    franc et rude qui n'appartient qu'aux Khmers, en lisant les pages des
    « chroniques sociales » consacrées aux
    croyances et au divin, de ce carambolage permanent entre coutumes
    ancestrales et modernité. Mais la pauvreté, les
    souffrances, les violences, les maladies – le sida, nouveau virus
    génocidaire – que vivent au quotidien les Cambodgiens
    ordinaires et que rapportent les journalistes de Cambodge Soir sont
    telles que subsiste un sentiment d'immense gâchis. Les
    milliards de dollars de dollars d'aide internationale déversés
    sur le Cambodge depuis près de quinze ans semblent s'être
    évanouis dans les poches de dirigeants corrompus et de
    fonctionnaires internationaux payés rubis sur l'ongle.

    Dans les années à
    venir, nul doute que les journalistes de Cambodge Soir continueront à
    dénoncer la misère inique qui empêche le Cambodge
    meurtri de fermer ses plaies. Espérons seulement qu'ils
    finissent par être entendus.

    Philippe Latour

    Représentant
    régional de Reporters Sans Frontières

    Cambodge Soir :
    chroniques sociales d'un pays au quotidien

    Sous la direction de
    Grégoire Rochigneux, préface d'Olivier de Bernon

    Irasec, 2005, 221 p.,

    Pour savoir comment vous
    procurer cet ouvrage, consultez www.irasec.com






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