• Thaksin pris au piège<o:p />

    <o:p />Un an après avoir remporté un succès électoral sans
    précédent, le Premier ministre thaïlandais est la cible d'une campagne
    populaire qui vise à le déboulonner. <o:p />

    Il y a un an tout juste, Thaksin Shinawatra semblait avoir

    en poche le destin d'un “homme fort et populaire” comme l'Histoire de la
    Thaïlande en a peu connus. Reconduit au poste de Premier ministre par une
    majorité inouïe (374 députés de son parti Thai Rak Thai sur 500), le
    milliardaire des télécoms affichait une confiance en lui qu'on croyait
    indestructible. Et pourtant, sous les coups de boutoir d'une campagne
    orchestrée par son ancien ami Sondhi Limthongkul, la statue du commandeur
    Thaksin vacille aujourd'hui comme jamais. “La vraie guerre vient juste de
    commencer”, titrait en Une le quotidien The Nation le 10 février, à la veille
    d'une manifestation anti-Thaksin qui a rassemblé des dizaines de milliers de
    Thaïlandais dans la capitale et certaines villes de province.<o:p />

    On ne saura sans doute jamais ce qui a provoqué la colère de

    Sondhi – histoire d'argent ou de pouvoir. Ce qui est sûr, c'est que sa
    mayonnaise, remuée de vendredi en vendredi dans ses shows accusateurs, a
    désormais pris. Depuis le 10 février, c'est une coalition d'opposants qui mène
    la danse : l'Alliance du Peuple pour la Démocratie, outre les partisans de
    Sondhi, rassemble universitaires, étudiants, professeurs, syndicalistes,
    réseaux d'associations en tout genre. Ces activistes, qui appelaient à un
    nouveau rassemblement anti-Thaksin le 26 février, représentent la fine fleur de
    la middle-class de la capitale. Si la Cour constitutionnelle, acquise à
    Thaksin, a rejeté le 16 février la demande de plusieurs sénateurs de lancer une
    procédure de destitution du Premier ministre, les opposants ne désarment pas.
    Des étudiants de Thammasat ont réuni en quelques jours plus de 20000 signatures
    pour demander la démission de l'ancien lieutenant-colonel de police. La presse
    écrite locale n'hésite plus à le traiter de dictateur ou à le comparer à
    Hitler. La presse télévisée, sous son contrôle, ne peut plus éviter de couvrir
    – certes, a minima – les manifestations sous peine de perdre toute crédibilité.<o:p />

    “Le peuple des campagnes fait les premiers ministres, le peuple

    des villes les défait”, ont coutume de répéter les observateurs de la politique
    thaïlandaise. Dans son cas, Thaksin Shinawatra s'est pris lui-même les pieds
    dans le tapis. Plus il se débat, plus le piège tendu par Sondhi et ses amis se
    referme sur lui. On l'accuse de faire profiter par sa politique l'empire Shin
    Corp. aux mains de sa famille : il décide fin 2005 que ses enfants et sa
    belle-famille doivent s'en débarasser. La vente pour 73 milliards de bahts, en
    janvier, d'un des plus grands conglomérats thaïlandais au singapourien Temasek
    provoque la fureur de ses opposants et de la presse. Non seulement la famille
    Shinawatra empoche un confortable bénéfice – Shin Corp valait environ 20
    milliards à l'entrée en fonction du Premier ministre en 2001 -, mais elle ne
    paie pas un satang de taxes, grâce à des artifices fiscaux douteux au point que
    la Stock Exchange Commission de Thaïlande se soit sentie obligée de lancer une
    enquête. Le leader nationaliste, dont personne ne doute qu'il a orchestré
    lui-même la manoeuvre, se retrouve accusé de “vendre les biens du pays à
    l'étranger” – Shin Corp a en poche trois concessions nationales (télévision,
    satellite et téléphonie mobile). <o:p />

    Obligé de lâcher du lest face à la vague montante des

    protestations, le Premier ministre ne fait que libérer ceux qui se croyaient
    sous la menace ou la protection éternelle de son pouvoir. L'Auditeur général de
    l'Etat, Jaruwan Maithaka, dont il a consenti à ce qu'elle soit confirmée dans
    ses fonctions après avoir contesté pendant plus d'un an sa légitimité, s'est
    sentie “renforcée” dans ses convictions de lutter contre la corruption au sein
    des instances gouvernementales. Shin Corp, désormais en mains singapouriennes,
    a décidé de retirer ses plaintes au pénal et au civil contre le Thai Post et la
    pasionaria des médias Supinya Klangnarong. Mais ces derniers, accusés de
    diffamation pour avoir affirmé que Shin Corp avait bénéficié directement des
    politiques du gouvernement Thaksin, se sentent forts au point d'envisager au
    tribunal d'émettre malgré tout un jugement. <o:p />

    Plus grave encore pour le Premier ministre, le Thai Rak

    Thai, parti construit par et pour lui, tangue comme un navire affrontant la
    tempête. “Les rats quittent le navire”, pouvait-on lire dans la presse et sur
    les forums internet, lors de la démission, fin janvier, de la ministre de la
    Culture et du ministre des technologies de l'information (ICT). Les députés
    Thai Rak Thai, notamment la fraction Wang Nam Yen du vétéran Sanoh Thientong,
    sont en embuscade et pourraient se désolidariser du Premier ministre à la
    prochaine embûche ou si la foule des manifestants grossit encore.<o:p />

    Thaksin Shinawatra, selon la plupart des observateurs, n'a

    plus vraiment le choix. Pour retrouver la légitimité que ses opposants lui
    nient aujourd'hui, il devrait dissoudre l'assemblée nationale dans les mois à
    venir, sans doute après les élections sénatoriales d'avril. Des élections
    anticipées prendraient de court les opposants du parti démocrate, toujours
    aussi désorganisés depuis leur cuisante défaite de 2005. Et les électeurs des
    provinces, dont beaucoup restent fidèles à Thaksin et à son image de leader
    pragmatique et nationaliste, pourraient redonner une majorité au Thai Rak Thai.
    Le Premier ministre reste le maître du jeu, mais il n'a plus beaucoup de cartes
    en main.<o:p />

    François Tourane

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  • Le Premier ministre thaïlandais a inventé une nouvelle recette pour doper sa popularité : le reality-show... Adossé à un tableau noir, en bras de chemise face à une tablée de fonctionnaires aux visages luisants de sueur, Thaksin Shinawatra donne la leçon. Personne n'ose l'interrompre. Le Premier ministre thaïlandais se pose, comme toujours, en vedette du spectacle : le show de l'homme fort de Bangkok va durer 96 heures en direct.

    Le « Berlusconi de l'Asie », pour lutter contre l'érosion de son soutien populaire, est le héros, du 16 au 20 janvier, de « Derrière la scène : le Premier ministre », une émission diffusée sur une chaîne du câble créée spécialement. Quarante cameramen et cent techniciens suivent Thaksin dans la province déshéritée de Roi Et. Il y rencontre paysans, commerçants et fonctionnaires pour « leur apprendre à éradiquer la pauvreté ». Fourbu, il rentre le soir dans son QG, une tente installée dans l'arrière-cour d'un chauffeur de taxi.

    Les opposants ont dénoncé ce « show », expliquant qu'il devrait plutôt concentrer ses actions sur la menace latente de la grippe aviaire et les violences dans le Sud musulman.
    Il est tard. Le visage de l'homme fort apparaît au coeur de l'image noire, illuminé par l'écran de son ordinateur portable. Dehors, on entend bien le concert des crapauds-buffles.
    F.T.

    3 commentaires

  • Bonjour,
    comme vous le lirez ci-dessous, on est en pleine panique grippe aviaire, ce d'autant plus que la Turquie s'y est mise serieusement et que la lointaine Asie n'est plus la seule touchee. Quand je dis "on", je parle surtout des etrangers, car aussi bien les Thailandais que les Vietnamiens que j'ai visites en province ces derniers mois ne semblent pas s'emouvoir outre mesure. Partout - sauf dans les grandes villes - vous verrez encore des poulets gambader dans les rues des villages, etre plumes sur les marches et leurs abats finir noyes dans la fameuse "soupe a la poule".
    Enfin, ici, cela ne m'empeche pas de manger du poulet. La viande de poulet cuite ne peut pas transmettre la maladie, c'est une des rares choses dont on est certain. Meme la transmission par les oiseaux migrateurs est remise en cause par certains chercheurs.
    Autre chose que j'ai apprise en travaillant sur le sujet : plus que les oiseaux, ce sont leurs fientes dont il faut se mefier. En effet, le virus ne survit pas plus de 24 h sur un cadavre d'oiseau, mais presque une semaine dans les dejections de l'oiseau.
    Alors attention ou vous mettez les pieds !
    Bon ap!
    FT





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  • Grippe aviaire : « Pour un droit d'ingérence

    sanitaire »<o:p> </o:p>

    Jean-Marie Le Guen, député socialiste et chef
    de la mission d'information parlementaire sur la grippe aviaire, était de
    passage à Bangkok en janvier.
    <o:p />

    Jean-Marie Le Guen, en route pour la conférence mondial de Pékin sur la grippe aviaire, a
    fait escale à Bangkok et à Hanoi pour faire le point de la situation avec les
    autorités et les chercheurs des deux pays asiatiques les plus touchés. « Au
    plan mondial, nous en sommes à un moment crucial du développement de cette
    maladie. Alors que nous pensions que les risques de pandémie -suite à une
    mutation possible du virus – étaient essentiellement en Asie, une situation
    grave s'est déclarée en Turquie, aux portes de l'Europe », a expliqué le député
    du XIIIème arrondissement de Paris (le quartier asiatique).<o:p />

    C'est en octobre que les députés français ont commencé à s'alarmer du potentiel dévastateur d'une épidémie de grippe humaine résultant d'une mutation du virus H5N1. Une trentaine de députés ont ainsi constitué une mission d'information parlementaire, dont Jean-Marie Le Guen est le président. A Bangkok, il s'est fait le chantre d'un concept que claironnait au même moment son collègue Dominique Strauss-Kanh dans l'Hexagone : le droit d'ingérence sanitaire. Rien à voir avec le droit d'ingérence humanitaire cher à

    Bernard Kouchner : « D'abord, nous avons le devoir, en tant que pays développé,
    d'aider les pays qui n'en ont pas les moyens à développer des politiques sanitaires.
    En contrepartie, nous devons être en mesure d'exiger de ces pays une
    coopération adéquate en termes de transparence et de mise en oeuvres des
    mesures que nous préconisons. Si ces conditions ne sont pas réunies, c'est un
    risque pour l'humanité toute entière. »
    Expliquant que ce « droit d'ingérence » entrait plus dans un « rapport
    d'exigence que de partage de valeurs », le député a rappelé que son rôle était
    avant tout de « protéger la population française d'une épidémie globale ».<o:p />

    Et puisque l'on parlait de communauté française, l'ambassadeur Laurent Aublin, au côté du député, a tenu à préciser que l'ambassade disposait d'assez de doses de Tamiflu « pour traiter toute la communauté française et même quelques touristes ». « Mais le Tamiflu n'est pas un médicament miracle », a tenu à rappeler Jean-Marie Le Guen, médecin de

    profession, « il ne peut être efficace que si on le prend dans les 48 heures
    suivant les premiers symptômes. Il existe en plus la possibilité que le virus
    développe rapidement une résistance à ce traitement». <o:p />

    A Pékin, le 18 janvier, la communauté
    internationale s'est engagée à mettre près de deux milliards de dollars sur la
    table pour lutter contre la grippe aviaire. <o:p />

    François Tourane<o:p />


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  • Cambodge : l'enjeu des alliances (1998)
    Un petit papier écrit au lendemain des élections législatives, paru le 1er août 1998. La suite de l'histoire allait me donner raison. Chance ou instinct du journaliste ? Un peu des deux sans doute.

    Les élections du 26 juillet
    n'ont pas résolu le problème cambodgien. Elles se sont
    pourtant déoulées dans le calme et les observateurs
    internationaux ont reconnu que le scrutin avait été
    « libre et équitable ». Mais les
    résultats du vote pourraient conduire le royaume dans une
    nouvelle impasse politique. Le Parti du peuple cambodgien (PPC) du
    second Premier ministre, Hun Sen, devrait remporter un peu plus de la
    moitié des 122 sièges de la nouvelle Assemblée
    nationale. Les anciens communistes seront loin d'obtenir la majorité
    des deux tiers nécessaires à la formation d'un
    gouvernement.
    Les deux principaux partis
    d'opposition, le Funcinpec du prince Ranariddh et le parti de Sam
    Rainsy, le plus virulent critique de Hun Sen, devraient se partager
    les sièges restants. Après des mois de rivalité,
    le prince et son ancien ministre des Finances se sont retrouvés
    côte à côte pour dénoncer la victoire
    « trop facile » du parti de Hun Sen. « Nous
    avons observé de nombreuses irrégularités »,
    ont affirmé les deux hommes avant même la proclamation
    des résultats officiels. « Ranariddh fait monter
    les enchères pour obtenir des postes ministériels, mais
    il finira par laisser tomber Rainsy. Une nouvelle coalition
    Funcinpec-PPC verra le jour », pronostique un diplomate
    occidental. Une telle alliance, correspondant aux voeux du roi
    Sihanouk, serait pain bénit pour Hun Sen.
    L'actuel homme fort du Cambodge
    obtiendrait ainsi une légitimité internationale qui lui
    fait défaut depuis les affrontements de juillet 1997 et l'exil
    forcé du prince Ranariddh. Le royaume pourrait retrouver son
    siège aux Nations unies. Mais il reste bien des obstacles.
    « Le prince Ranariddh n'a plus de forces militaires, mais
    il peut bloquer le processus démocratique à l'Assemblée
    pendant des mois. Hun Sen devra lui céder une partie du
    pouvoir », estime un observateur.
    François Tourane

    PS : pour un compte-rendu des élections
    de 2003, vous changez trois virgules et enlevez le passage sur la
    légitimité internationale...







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