• Et un petit papier de politique thaie pour faire bonne mesure...

    Thaksin tourne autour du pot

    Thaksin Shinawatra cherche du boulot. « J'ai
    besoin d'un job parce que je suis sans emploi », a-t-il lancé, sans rire, à
    un journaliste qui l'a « surpris » à faire du shopping à Hong Kong. L'ex-premier
    ministre, s'il n'a plus d'emploi salarié, garde un rôle privilégié sur la scène
    politique : celui de l'empêcheur de tourner en rond. En exil depuis le
    coup d'Etat militaire du 19 septembre, Thaksin joue avec les nerfs des généraux
    en brandissant la menace d'un retour au pays. Tel un aigle tournoyant au-dessus
    de sa proie, il a visité en novembre plusieurs pays d'Asie, s'y faisant volontiers
    remarquer par la presse locale. En Chine tout d'abord, puis à Hong Kong et à
    Bali, il s'est employé à distiller l'idée qu'il pouvait, d'un coup d'aile, revenir
    à Bangkok. Fin novembre, il devait se rendre en Australie, puis à nouveau en
    Chine. La thèse d'un retour de Thaksin s'est vue accréditée par l'insistance du
    général Chavalit Yongchayud, ancien premier ministre et conseiller de la junte
    militaire, qui a déclaré souhaiter qu'il revienne rapidement. Les mauvaises
    langues habituelles ont expliqué qu'il exprimait ainsi sa colère envers les
    militaires, qui n'auraient pas récompensé son soutien à sa juste valeur. Mais
    la position de « Big Jiew » n'est pas anodine : Thaksin
    Shinawatra, du fond de son exil, est la principale menace pesant sur les
    nouveaux maîtres du pays.

    Le premier ministre Surayud Chulanond a été très
    clair : il ne souhaite pas que son prédécesseur remette les pieds dans
    le royaume avant la tenue de nouvelles élections démocratiques, prévues pour la
    fin 2007. Deux mois après leur prise du pouvoir par la force, les militaires n'on
    que partiellement réussi leur « coup ». Les enquêtes lancées sur
    plusieurs affaires de corruption ou d'évasion fiscale, visant à éliminer
    juridiquement Thaksin et ses proches, ne semblent pas avoir accouché de
    suffisamment de preuves tangibles. Dans le même temps, les premières rumeurs
    sur la corruption du nouveau pouvoir circulent déjà parmi l'élite. Par
    ailleurs, la tentative de pulvérisation du Thai Rak Thai, l'ancien parti
    majoritaire, a certes abouti à la désertion de centaines de députés et de
    cadres du parti. Mais le cœur des supporters de Thaksin, dans les provinces
    rurales du Nord et du Nord-Est, semble loin d'être convaincu. Pour ces
    raisons-là, la junte hésite encore, fin novembre, à lever la loi martiale. Autoriser
    les partis politiques à reprendre vie serait donner aux fidèles de Thaksin un
    espace dont ils s'empareraient, justement, pour miner le processus de
    reconstruction démocratique qu'ils prétendent mener. C'est un paradoxe dont
    aucune junte militaire, ici ou ailleurs, n'a jamais su se sortir : on ne
    protège pas la démocratie en niant la démocratie.

    François Tourane


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  • Retour sur une rencontre avec le couple de routards le plus fameux de la planete, vraiment tres sympa (et je ne dis pas ca parce que LP France va publier mon prochain bouquin au printemps !).

    A+

    FT

    Lonely Planet, un business et une aventure

    Jeunes routards, Tony et Maureen Wheeler ont

    fondé Lonely Planet en 1973, après un voyage d'un an qui les a menés d'Angleterre
    en Australie. Ils sont aujourd'hui à la tête d'un empire de l'édition qui vend
    plus de 6 millions d'ouvrages par an.

    Les voyages forment la jeunesse. C'est
    tellement vrai qu'à près de soixante ans, Tony et Maureen Wheeler, les
    fondateurs de Lonely Planet, donnent l'impression d'avoir à peine quitté l'adolescence.
    « Wheeler », un nom prédestiné sans doute issu d'un ancêtre de Tony
    fabricant de roues... Souriants, pleins d'enthousiasme, toujours avides de
    nouvelles destinations et de nouvelles rencontres, le couple était à Bangkok en
    octobre pour promouvoir leur dernier ouvrage : « The Lonely Planet Story ».
    Une autobiographie qu'apprécieront aussi bien les routards que ceux qui restent
    persuadés qu'on peut réussir dans la vie tout en restant fidèle à ses rêves de
    jeunesse.

    Tout a commencé sous un beau soleil d'automne,
    sur un banc, dans un parc de Londres, en octobre 1970. Tony, timide étudiant,
    demande à Maureen, charmante étudiante, s'il peut s'asseoir auprès d'elle. Rapidement,
    les jeunes gens se mettent à discuter de voyages, d'endroits du monde qu'ils rêvent
    de visiter. Lui a pas déjà roulé sa bosse, dans le sillage d'un père
    travaillant dans l'aviation. Elle, tout juste débarquée de Belfast, ne
    connaît guère plus que son Irlande natale et les faubourgs de Londres. Dix-huit
    mois plus tard, après un mariage, c'est l'échappée belle : dans un minibus
    brinquebalant acheté pour quelques dizaines de livres sterling, le couple file
    plein Ouest. Direction l'Asie, à travers les Balkans, la Turquie, l'Iran, l'Afghanistan.
    Dans ce dernier pays, qui était encore à l'époque accueillant pour la jeunesse
    occidentale filant sur la route de Kathmandou (lire Nicolas Bouvier, L'usage du monde), Tony et Maureen revendent
    leur véhicule et continuent leur chemin par les moyens de transports locaux. Ils
    traversent l'Inde, font escale au Népal, puis doivent prendre l'avion car la
    Birmanie, comme de nos jours, ne peut être traversée par la route. A Bangkok,
    ils découvrent la gentillesse des Thaïlandais, se gavent de cuisine thaïe et
    dorment, pour deux dollars la nuit, au Malaysia Hotel (aujourd'hui 20 à 30
    dollars). Mais leurs réserves financières s'épuisent et ils doivent prendre la
    route du Sud. Ils traversent la Malaisie et débarquent à Singapour où les
    attend un transfert bancaire et de curieuses pancartes anti-hippies : « les
    hommes aux cheveux longs seront servis les derniers » ! Ils visitent
    l'archipel indonésien et débarquent en Australie après une rocambolesque traversée
    en bateau. A Sydney, Tony fait les comptes : il leur reste 27 cents en
    poche. Pour se remplumer, le jeune couple décide d'écrire un petit guide de voyage,
    « Across Asia on the Cheap », qu'ils pensent vendre à quelques
    centaines d'exemplaires dans les librairies australiennes. Nous sommes en 1973,
    le premier « Lonely Planet » vient de naître et il sera suivi de
    beaucoup d'autres. Trente-trois ans plus tard, la compagnie emploie 400
    personnes, 250 rédacteurs, a plus de 600 titres en cours de publication et vend
    une moyenne de six millions de livres par an.

    Pour autant, et malgré tous les soucis qu'ont
    pu causer à ces « amateurs » la fondation d'un tel empire de l'édition,
    Tony et Maureen n'ont jamais cessé de voyager, traînant même souvent derrière
    eux leurs deux enfants. Ils contribuent toujours activement à l'écriture de
    plusieurs guides. Cette année, Tony s'est attelé à un projet ambitieux :
    il a voyagé sur « l'Axe du Mal » du président Bush, en Afghanistan,
    en Irak, au Pakistan et en Corée du Nord. Il en tirera prochainement un nouveau
    guide de voyage pour les plus aventureux des routards.

    « Le monde du voyage a tellement changé
    depuis nos débuts. C'est d'ailleurs ce qui a fait notre succès. De nos jours,
    les voyages font partie de la vie de presque tout le monde. Venir en Thaïlande
    pour une semaine avec ses enfants n'est plus une aventure », explique Tony
    Wheeler. Le Népal reste l'endroit sur terre que les fondateurs du « Lonely »
    prèfère. Et le pire endroit de la planète ? « Il n'y en a pas. Parfois,
    le mauvais temps ou une rencontre qui vous met de mauvaise humeur peut vous
    donner cette impression, mais c'est lié au voyageur, pas au voyage »,
    affirme Maureen.

    Complétés aujourd'hui par le site web www.lonelyplanet.com (un million de
    messages de voyageurs postés par an) et la production d'émissions de télévision
    par LPTV (pour Discovery Channel), les
    guides Lonely Planet ont envahi... la planète. Difficile de ne pas croiser une
    foule de routards avec le « Lonely » en main dans les gargottes ou les
    hôtels recommandés par le guide LP du lieu. Conscients que leurs ouvrages ont
    peut-être gâché, par l'afflux de touristes provoqué, la magie de certains
    paysages qu'ils ont été les premiers à découvrir (au premier rang desquels Ko
    Phi Phi), les Wheeler affirment cependant que « rien n'aurait pu empêcher
    les vagues touristiques » que nous connaissons.

    Lonely Planet est partout et en de multiples
    langues. Un guide LP sur la Chine en langue chinoise, malgré son interdiction
    par les autorités, fait un tabac. Certains assimilent même la marque à l'omniprésence
    de Coca-Cola et de Mc Donald. Et pourtant, Tony et Maureen Wheeler ont su
    garder leur esprit beatnik. Ils boycottent par exemple pour des raisons éthiques
    les marques Nike et Hewlett-Packard, refusent de censurer leurs auteurs pour
    faire plaisir aux gouvernements en place – même s'ils ont toujours un peu de
    mal à expliquer l'existence de leur guide sur la Birmanie.
    François Tourane

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  • Intellectuels birmans : l'exil et l'impuissance (texte publié dans La Croix, le 29 novembre)

    Une
    centaine d'écrivains, poètes et journalistes birmans en exil en
    Thaïlande se sont rassemblés pour partager leur opposition à la
    dictature birmane


    Le soir tombe sur Chiang Mai. Sur la
    scène dressée dans un jardin fleuri, des hommes et des femmes se
    succèdent au micro et rendent hommage à la doyenne des intellectuels
    birmans, dont on fête l'anniversaire aujourd'hui. Le portrait de Lu Dhu
    Daw Amar, 92 ans, derrière eux, semble les écouter sagement.


    Un peu plus tôt, l'assistance recueillie, plus d'une centaine de
    journalistes, poètes et écrivains birmans exilés en Thaïlande réunis il
    y a quelques jours pour leur grande conférence annuelle, avait pu
    entendre la voix éraillée de la vieille dame enregistrée au téléphone
    qui lançait depuis Mandalay, dans le nord de la Birmanie voisine, un
    message émouvant : « Ici, en Birmanie, chacun souffre et tout le monde
    vit au-dessous du seuil de pauvreté. En quatre-vingt-dix ans, je n'ai
    jamais vu une situation aussi terrible. Les leaders du pays ne
    s'occupent que d'eux-mêmes. Et en plus, ils nous ont supprimé la
    liberté de penser. » Serrés les uns contre les autres et l'air grave,
    les assistants se recueillent en silence.


    À Mandalay, en Birmanie, de l'autre côté de la frontière
    thaïlandaise, si proche, une grande cérémonie devait marquer
    aujourd'hui l'anniversaire de la vieille dame, écrivain prestigieux
    qui, dans les années 1940, fut l'amie du général Aung San, père de
    l'indépendance et d'Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la paix et leader
    de l'opposition, détenue à domicile depuis trois ans.

    Censure implacable

    Pour
    la première fois en vingt ans, la célébration, qui rassemble
    d'ordinaire ce qu'il reste d'esprits libres en Birmanie, a été
    interdite par les autorités.


    À Chiang Mai, en Thaïlande, assise à une table un peu à l'écart,
    une frêle jeune femme aux cheveux courts écoute les discours de chacun.
    Myi est la seule ici à travailler encore en Birmanie. Au risque de ne
    pouvoir rentrer chez elle, la journaliste est venue témoigner de la
    censure implacable qui frappe les intellectuels birmans. Il y a trois
    ans, Myi a perdu son emploi de rédactrice en chef d'un magazine pour
    avoir publié le poème d'un fonctionnaire dénonçant son salaire de
    misère.


    Depuis, utilisant près d'une dizaine de pseudonymes différents, la
    jeune femme survit en publiant ici et là des articles sur la santé et
    l'éducation. « Il est impossible de parler des réalités de la vie, de
    la pauvreté ou des problèmes politiques. Quand le bureau de la censure
    repère un article qu'il juge dangereux, l'auteur est convoqué et
    longuement interrogé sur ses intentions. Si cela se produit une seconde
    fois, il perd le droit d'écrire et son nom de plume est interdit »,
    explique-t-elle.

    La voie de l'exil

    L'essentiel
    de la presse birmane – plus d'une centaine de publications – se
    consacre donc à des informations anodines : nouvelles sportives, santé,
    mode, informations « people ». Si les journalistes parviennent à
    survivre, c'est loin d'être le cas des 200 à 300 écrivains et poètes
    reconnus que compterait encore le pays. Pour une nouvelle ou un poème
    publié dans la presse, l'auteur touche entre 3 000 et 5 000 kyats (2 à
    3 €). Très peu parviennent à faire éditer leurs œuvres.


    « Il y a une double censure. Le bureau officiel de la censure lit
    une première fois le manuscrit. Après impression, c'est le ministère de
    l'intérieur qui décide si le livre peut être mis en circulation »,
    explique Khin Maung Soe, aujourd'hui en exil en Thaïlande. Après avoir
    passé quatre ans en prison, de 1992 à 1996, cet écrivain journaliste
    avait écrit un ouvrage intitulé Les Grands Leaders et leurs pensées.
    Une simple photo du dalaï-lama dans son livre aura suffi pour qu'il
    soit banni de la profession.


    Chaque année, plusieurs dizaines d'intellectuels birmans
    choisissent la voie de l'exil. Beaucoup atterrissent en Thaïlande et
    viennent grossir les rangs des réfugiés. « La littérature birmane se
    meurt. Sur place, on ne peut plus écrire, la censure s'est installée
    dans nos têtes. Ici, nous n'avons ni éditeurs ni lecteurs », constate
    avec amertume May Nyane, auteur d'une centaine de nouvelles et d'une
    dizaine de romans. Cette femme passionnée, amatrice de punk et de
    hip-hop, a quitté Rangoun en 2005 avec son mari et ses trois enfants
    après avoir reçu des menaces de mort de la junte militaire.

    Le témoignage écrit, un devoir humain

    Et
    pourtant la fibre littéraire reste fortement ancrée dans l'âme des
    Birmans exilés, pour qui la poésie reste un genre majeur et le
    témoignage écrit un devoir humain. Mahan Nyein, le « Papillon » birman,
    s'est échappé en 1970 d'une île prison sur un rafiot de bambou.
    Aujourd'hui, il écrit sa vie dans un petit village près de la frontière
    après avoir été longtemps membre de la guérilla karen (KNU) une ethnie
    minoritaire qui représente 7 % de la population.


    « Nous devons raconter nos malheurs pour survivre », explique cet
    aventurier de 60 ans au visage osseux, vêtu d'un treillis trop grand
    pour lui. Son voisin de table, Than Win Htut, jeune journaliste aux
    traits fins, renchérit : « La littérature est le trésor du peuple.
    Personne ne pourra jamais nous la voler. »


    Dans la fraîcheur nocturne de Chiang Mai, les exilés ne perdent
    pourtant pas leur bonne humeur. Ils ont même franchement éclaté de rire
    en entendant le dernier conseil de Daw Amar, la vieille dame, depuis la
    Birmanie : « Et surtout, ne buvez pas trop ce soir ! »






    François TOURANE, à Chiang Mai (Thaïlande)

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  • Voici comme promis l'integrale de mon analyse sur le coup d'Etat du 19 septembre dernier. Vous pouvez en retrouver d'autres sur www.gavroche-thailande.com

    <o:p> A+</o:p>

    FT

    Pourquoi le 19 septembre ?

    Le 19 septembre, un coup d'Etat militaire a
    renversé le gouvernement de Thaksin Shinawatra. La démocratie thaïlandaise a
    pris un coup dans l'aile, mais le peuple semble pour l'instant accepter sans
    trop broncher la tutelle militaire.

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    Dix questions et dix réponses sur un événement
    historique.

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    Quelles
    sont les causes profondes du coup d'Etat militaire du 19 septembre 2006 ?

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    Réunis autour du général Sonthi Boonyaratglin,
    chef de l'armée de terre, les leaders du putsch sont essentiellement intervenus
    pour mettre fin à une longue période d'instabilité politique. Il fallait selon
    eux « restaurer l'unité du pays ».Depuis près d'un an, les
    manifestations pro- et anti-Thaksin se multipliaient. La vente de l'empire Shin
    Corp. du premier ministre à la firme singapourienne Temasek, sans payer la
    moindre taxe, avait provoqué un scandale. Les élections générales du 2 avril furent
    boycottées par l'opposition puis annulées pour vice de forme. « Depuis la
    fin de la guerre froide, nous avons compris que notre rôle était de rester en
    dehors de la politique. Mais depuis deux ans et demi, la Thailande connaît de
    telles divisions (...) que le risque d'un renversement du gouvernement était
    devenu grand », expliquait, le 20 septembre, le général Waipote Sinuan, la
    veille d'être nommé par la junte à la tête de l'agence de renseignement
    nationale (NIA).

    « Les violations de la constitution, la corruption
    de son entourage, les abus de pouvoir avaient érodé la légitimité du premier
    ministre. Par ailleurs, Thaksin a commis l'impardonable : il a défié
    l'ordre établi et la monarchie, notamment en critiquant durant le mois de
    juillet « une personne d'influence en dehors de la Constitution » »,
    explique de son côté Thitinan Pongsudhirak, analyste politique et
    professeur à l'université Chulalongkorn.
    Les observateurs avaient facilement identifié cette personne comme étant
    le général Prem Tinsulanonda, le très respecté président du Conseil privé du
    Roi.

    Enfin, le conflit sans fin qui déchire
    l'extrême Sud musulman du royaume a sans doute provoqué une fissure irréparable
    entre Thaksin et les militaires. Le premier ministre semblait en effet ne
    pas vouloir laisser les coudées franches au général Sonthi pour régler le
    problème.

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    Pourquoi
    le coup d'Etat a-t-il eu lieu ce jour-là ?

    Pour s'assurer de la fidélité d'une armée qui
    était de plus en plus hostile, Thaksin Shinawatra avait, quelques jours avant
    le coup, procédé à des changements importants lors du remaniement annuel de la
    chaîne de commandement. Les promotions annoncées devaient installer à de
    nombreux postes-clefs des proches de Thaksin.

    La People's Alliance for Democracy (PAD), la
    plus virulente organisation anti-Thaksin, devait, le 20 septembre, organiser
    une manifestation au cœur de Bangkok et beaucoup craignaient que les partisans
    du premier ministre ne se lancent dans des provocations et que la journée
    finisse en bain de sang avec instauration d'une loi martiale par le
    gouvernement.

    Enfin, et c'est un classique du genre, les
    militaires ont profité de l'absence du premier ministre, en visite à New York
    pour l'assemblée générale des Nations Unies. Il s'agissait sans doute de son
    dernier séjour à l'étranger avant les élections prévues en novembre, que son
    parti Thai Rak Thai avait de grandes chances de remporter à nouveau.

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    Qui sont
    les nouveaux leaders du pays ?

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    Le général Sonthi Boonyaratglin, chef de
    l'armée de terre, est le leader du coup d'Etat. C'est un musulman, natif d'Ayutthaya
    et avant tout fidèle à Sa Majesté le Roi. Le Conseil de réforme démocratique
    sous la monarchie constitutionnelle, dénomination première de la junte, s'est
    transformé en Conseil National de Sécurité après la nomination d'un
    gouvernement « civil » début octobre. Le CNS garde le pouvoir de
    démettre le gouvernement mais n'est plus officiellement aux manettes. Le premier
    ministre Surayud Chulanont, est un ancien commandant suprême des armées,
    retraité en 2003. Très respecté par les militaires comme par les civils, il a
    la réputation d'être incorruptible. En acceptant son poste, il a dû laisser son
    poste de Conseiller Privé du Roi. Le vétéran Chavalit Yongchayud, ancien premier
    ministre et ancien militaire, figure parmi les personnes dont l'influence sur
    les derniers événements fût discrète mais non négligeable. Il aurait aujourd'hui
    la main sur les relations avec le voisin birman.

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    Pourquoi
    les militaires ont-ils pris des mesures de restriction des libertés très
    sévères ?

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    La junte thaïlandaise a dès son installation
    au pouvoir pris des mesures drastiques : instauration de la loi martiale,
    interdiction des réunions politiques de plus de cinq personnes, censure des
    médias (principalement télévision, radio et sites d'information et forums
    internet). Le but des militaires était simple : empêcher Thaksin
    Shinawatra, depuis New York et ensuite depuis Londres, d'accèder à la masse de
    ses millions de supporters dans les campagnes du Nord et de provoquer des
    manifestations monstres anti-junte. Fin octobre, il semble qu'un certain nombre
    de ces mesures soient assouplies.

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    Les
    médias soutiennent-ils le nouveau pouvoir ?

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    La majorité des mass-médias thaïlandais font
    preuve d'une neutralité bienveillante envers les nouvelles autorités. Les principales
    chaînes de télévision et de radio sont au garde-à-vous. Les milliers de radios
    communautaires, qui auraient pu émettre des protestations, ont dû fermer leur antenne.
    Dans la presse écrite, la critique est plus libre, mais l'aspect non-violent du
    coup d'Etat et la réputation d'homme intègre de Surayud lui donnent sans doute
    la perspective d'un « Etat de grâce » de quelques mois. En fait,
    seuls les médias alternatifs, forums internet et listes de diffusion, osent dénoncer
    le « déni de démocratie » que constitue la prise de pouvoir des
    militaires. Avec pour certains, comme le site de la Midnight University de
    Chiang Mai, une conséquence immédiate : la suppression de leur site
    internet.

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    A quand
    le retour à la démocratie ?

    « La constitution de 1997 manquait
    vraiment de participation du peuple au système de contrôle des actions
    politiques. Nous avons aujourd'hui une véritable opportunité de la réécrire
    pour empêcher des politiciens riches et avides de profiter des faiblesses du
    système », explique Kraisak Chonhavan, ancien sénateur. Si l'on en croît
    les nouveaux leaders du pays, de nouvelles élections auront lieu fin 2007. Entre
    temps, un comité d'une centaine de personnes “éminentes” sera chargé d'élaborer
    une nouvelle constitution, qui devra être soumise à référendum (une première en
    Thaïlande). Le 20 octobre, une assemblée nationale de 242 membres est entrée en
    fonction, mais ses membres, issus de la société civile, politiques et
    militaires, nommés par la junte, n'ont quasiment aucun pouvoir sur les actes du
    gouvernement.

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    Y-a-t-il
    une opposition au nouveau gouvernement ?

    Le parti Thai Rak Thai de Thaksin Shinawatra
    est décapité. Il ne tenait essentiellement que sur les épaules d'un seul homme,
    son maître et fondateur. Privé de financement (l'épouse du premier ministre y
    contribuait fortement), menacé de dissolution, le parti a vu déserter des
    centaines de membres depuis le 19 septembre.

    Le parti démocrate, principal parti
    d'opposition au TRT, se voit l'herbe coupée sous le pied alors qu'il s'apprêtait
    à participer à des élections, en novembre, avec de bonnes chances de figurer
    honorablement. Il est lui aussi menacé de dissolution.

    Le parti Chat Thai garde quelques atouts en
    manche. Le nom de son leader, Banharn Silpa-Archa, ancien premier ministre et
    habile politicien, était évoqué depuis de longs mois comme possible successeur
    de Thaksin. Mais l'avenir de tous ces partis dépendra essentiellement de l'espace
    politique que voudra bien leur laisser la junte.

    Les mouvements populaires dits « de
    gauche », encore très présents dans les milieux universitaires, retrouvent
    par contre du poil de la bête. Mis sur la touche pendant des mois par les
    manifestants très conservateurs du PAD, ils ont été les premiers à défier le décret
    du nouveau pouvoir interdisant les rassemblements politiques, en manifestant dès
    la fin septembre au cri de « Ni Thaksin, ni la junte !». Sur le net
    circulent des pétitions issues de cette gauche pro-démocratique et qui a
    toujours combattu, voire fait chuter, les juntes militaires thaïlandaises. « Au
    bout d'un certain temps, la majorité de la population sera prête à descendre
    dans la rue pour demander un retour à la démocratie. Ceux qui se battent pour
    les pauvres sont à la tête du mouvement anti-coup d'Etat et c'est un bon moyen
    de mettre en avant nos propositions politiques, de l'Etat-providence à la taxation
    des plus riches », explique Giles Ungpakorn, l'un des leaders du
    mouvement.

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    Thaksin
    peut-il revenir ?

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    « Si
    des élections avaient lieu demain, Thaksin et ses partisans les remporteraient
    sûrement, notamment grâce aux voix des paysans du Nord-Est qui lui restent
    fidèles », explique le chercheur Thitinan Pongsudhirak. En exil à Londres,
    le premier ministre déposé a pourtant peu de chances de revenir dans le jeu
    politique. Son parti est en pleine désintégration et les enquêtes lancées par
    la junte sur les affaires de corruption entourant son gouvernement pourraient
    aboutir à des procès retentissants. Cependant, « tant qu'il sera vivant,
    cet homme n'aura qu'un désir : faire un come back », affirme
    Thitinan.

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    Quelles
    vont être les conséquences du coup d'Etat sur la politique étrangère et
    les relations avec la France ?

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    « Il est sûr que nous regretterons le
    panache et le dynamisme du personnage », explique un diplomate sous
    couvert d'anonymat. En dehors de l'aspect « marketing flamboyant »
    qui risque de se perdre, la politique étrangère thaïlandaise ne devrait pas
    connaître de bouleversements. Les relations avec les Etats-Unis, qui ont
    critiqué le coup d'Etat et supprimé leur coopération militaire, risquent d'être
    tendues pendant quelques mois mais le pragmatisme devrait l'emporter. Pékin a de
    son côté gagné des points en reconnaissant immédiatement le nouveau régime.

    Côté français, il va de soi qu'un coup d'Etat
    en plein déroulement du festival Thaï en France est du plus mauvais goût. Mais
    les diplomates se consolent en constatant que les années Thaksin ont permis de
    relancer fortement les relations bilatérales (70% du plan d'action franco-thaï,
    qui touche tous les domaines de la coopération, auraient déjà été mis en œuvre).
    Et Paris n'a pas perdu tous ses atouts : plusieurs francophones figurent
    sur la liste du gouvernement.

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    Quelles
    vont être les conséquences du coup d'Etat sur l'économie ?

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    Les économistes, pendant les jours qui ont
    suivi le coup d'Etat, n'avaient qu'un baromètre : le cours du baht. Celui-ci
    est resté relativement stable. Il semble que le monde des affaires (hormis les
    associés de Thaksin Shinawatra) ait ressenti le même soulagement que l'ensemble
    de la population à l'annonce du putsch : les tensions politiques allaient
    s'apaiser. Par contre, il faudra garder un œil sur le niveau des
    investissements étrangers. De janvier à septembre, ils ont chuté en valeur
    totale de 546 à 369 milliards de bahts*. Le passage des tensions politiques du
    régime Thaksin aux incertitudes du mandat de Surayud aura du mal à inverser la
    tendance. Et l'économie locale pourrait s'en ressentir.

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    François Tourane

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    *chiffres du Board of Investment, en rapport avec la même période en 2005.


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  • Nam Can, derniere petite ville sur la voie fluviale qui mene a la pointe de Ca Mau, extreme-sud du Vietnam.

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